Nous sommes en 1986, et dès le générique de début du film “New Jack City” - le nom donné à Harlem en 1922 - un speaker dresse l’effroyable bilan humain - règlements de comptes et autres méfaits dus au trafic - de la nouvelle drogue sur le marché, son nom : le crack. Cet enfer synthétique vient de faire une entrée fracassante dans les rues de New York et elle n’épargne personne, car même des nouveaux nés, en sont accros. Il y a de l’argent à se faire et Nino Brown (Wesley Snipes) et son gang les “Cash Money Brothers” - accompagné par Gee Money (Allen Payne) - son bras droit, l’ont bien compris ! Pour ce faire, le gang s'approprie l’immeuble Carter en plein centre de la ville. De la fabrication, à la distribution, la centralisation est la clef du business. Ce qui frappe d’emblée le spectateur, c’est l’impunité totale d’une bande de truands face à des pouvoirs publics aveugles et pour le moins complaisants. Trois ans plus tard, alors que le crack semble être devenu, un fléau incontrôlable, le détective Stone (Mario Van Peebles, le réalisateur du film) est sous pression. Sa hiérarchie lui demande de boucler les CMB qui règnent en maître sur la cité. Scotty Appleton (Ice T) se porte volontaire pour infiltrer le gang. Malheureusement, il doit faire équipe avec Nick Peretti (Judd Nelson), un flic blanc avec lequel la cohabitation est douloureuse ! Scotty retrouve Pookie (Chris Rock), un ancien junkie qu’il avait arrêté. Il va l’envoyer en cure de désintoxication et s’en servir pour faire tomber Nino Brown. En parallèle, l'ascension des CMB réveille des rancœurs et des jalousies dans le camp de la mafia italienne… L’Amérique est un beau pays, dans lequel l’ascenseur social peut atteindre des sommets à condition de s’en donner les moyens. L’ombre de Tony Montana comme référence n'est jamais loin - d’ailleurs Nino et sa garde prétorienne visionnent “Scarface”, lors d’une séquence intime. Mais la partition de Giorgio Moroder chez De Palma est ici remplacée par du gros Rap. L’époque est différente, mais les enjeux - pouvoir et argent - sont toujours les mêmes et les conséquences aussi. D’ailleurs, dixit Nino Brown : “L’Amérique reaganienne est encore plus chouette, car elle a fabriqué des millions de pauvres n’ayant plus que la drogue comme raison de vivre”. Une phrase choc, pour un long-métrage qui ne l’est pas moins ! Bien plus qu’un énième film de gang, “New Jack City”, l’une des première œuvre de la “Blaxploitation” ou “Blacksploitation” (au choix), de la décennie des nineties, se pose en vision acerbe et sans concession d’une Amérique gangrenée par les paradis artificiels et fracturée socialement. Une Amérique qui au fil du temps a créé des monstres sociopathes et mégalomanes, Nino Brown (Snipes) en est un parmi d’autres ! Et à Mario Van Peebles de conclure son film : “Même si Nino Brown est un personnage de fiction, il existe des Nino Brown dans toutes les grandes villes américaines et il faudra bien plus que des slogans creux pour combattre le fléau de la drogue”. Nous étions en 1991 !!!