Après "Halloween" et "The Fog", le cinéma de John Carpenter va s'enrichir : on est moins sur de la peur enfantine que sur un trouble moral et identitaire. Qui est on ? Que vaux-t-on ?
Pour cela Le cinéaste va poser une table de jeu, un décor dans lequel il va faire bouger les personnages au grès de ses envies dans un spectacle qui se veut jouissif, et en même temps est emprunt d'une aura dépressive, posée ou encore crépusculaire. Ces tons, les meilleurs on les aura dans toute la première moitié très réussie du film.
Je dois avouer que la seconde moitié me semble moins intéressante.
Le Grand Jeu
L'une des qualités les plus remarquables de "Évasion de New York" réside dans son habileté à immerger le spectateur dans un monde dystopique où les règles sont claires dès le départ. En 1988, au beau milieu d'une guerre contre une alliance sino-soviétique, Manhattan est transformée en une prison de haute sécurité en réponse à une augmentation de la criminalité de 400%. L'introduction est faite d'images informatiques et d'une voix robotique décrivent froidement ce qu'est devenu New York : Une prison inhumaine.
Le film enchaine avec un hélicoptère, une figure récurrente chez Carpenter, symbolisant la domination froide et inhumaine qui vient faire pleuvoir la mort sur les évadés. Les exclus de la société sont dépeints comme des automates sans âme, tandis que les "sauvages" portent leurs costumes traditionnels et attaquent avec des flèches, évoquant une imagerie des têtes coupées qui présagent de "Ghost of Mars". Le jeu c'est donc à la fois le fun mais aussi les règles mécaniques qui enferment les humains.
Gros défi que de rendre l'impression a la fois d'entièreté de NYC et en même temps son isolement. Tous les décors sont incroyables faits a la fois de générosité et de minimalisme. Le film, pragmatique au possible, s'efforce de relever ce défi et de raconter une histoire qui est autoportée par sa tension simple, directe et son décor.
Une vraie exploitation du terrain que le héros traversera.
Dans level design qui annonce les jeux vidéos, le film qui tient finalement du parc d'attraction.
Western Mécanique
Carpenter puise dans le riche répertoire du western pour installer davantage de règles, de codes identifiables.
Le protagoniste, Snake Plissken est un renégat cynique qui se dresse contre un ensemble de forces automatisées déshumanisées qui cherchent à le dominer. Cette dualité entre des individus réduits à des automates par un État policier oppressif et le retour des "sauvages" évoque les conflits classiques de Western entre la cavalerie et les Amérindiens.
Snake, incarne la résistance à un système automatisé et répressif. Snake Plissken est un personnage énigmatique qui se révèle progressivement être un être froid revenu des limbes de la mort.
La bande-son, composée par Carpenter lui-même, présente comme toujours des motifs répétitifs et synthétiques en boucle qui appuient cette idée de la mathématique froide derrière ses récits et ses menaces. Cette répétition évoque l'idée de l'humanité qui lutte pour émerger au sein d'une réalité mécanique et les nappes lyriques sonnent comme ce Snake Plisken qui laisse émerger par moment des lueurs d'humanités derrière son déterminisme et ses machoires serrées.
Étonnamment, Snake Plissken ne brise pas les règles, ce qui le distingue des héros de films précédents de Carpenter. Ici le héros ne brise pas le cercle mortifère. Juste il se barre après avoir fait son job. Ni plus, ni moins… C'est pour cela que c'est beau quad l'adversaire du début, Hauk, devient celui qui continue de croire en Plisken une fois que ce dernier a cessé d'émettre
La Course au Jouet
Le film est parsemé de moments un peu foutraques. Des éléments surgissent de nulle part, comme une bonbonne de gaz qui devient le moyen d'évasion quand ils sont coincés chez le Duc, un taxi jaune surgissant toujours quand il faut là ou il faut, ou encore la main du président à la fin qui arrête puis relâchant le cable qui remonte Snake Plissken le long du mur d'enceinte sans explication, sans justification si ce n'est faire pour ous spectateurs un pantin rigolo du héros dans le film.
Snake est un jouet mais nous aussi on nous promène dans le parc d'attraction.
Bref un film qui reste important dans l'histoire du cinéma de genre pour son influence, qui propose quelque chose de très intéressant dans sa première partie et dans l'ensemble de son projet. L'histoire de sa production, remarquable pour les passionné.e.s, et de toute les astuces mises en place pour réussir à mettre à l'écran autant de choses impressionnantes avec si peu de moyen méritent également le détour. Mais la partie plus "actionner" de Escape From New York perd un peu avec le temps certes, mais aussi en comparaison d'autres moments d'exception dans les autres films que John Carpenter a pu faire.