Les premières images de Next Floor traduisent d’emblée l’atmosphère glaciale présente tout au long de ce court-métrage. Le regard transperçant du maître d'hôtel couplé à la musique aux accents graves nous angoisse en nous plongeant dans un univers proche du thriller ou de l'horreur. Un ballet mécanique se met peu à peu en place aussi bien au niveau sonore qu'au niveau pictural. Les convives semblent en effet manger au rythme d’un métronome et le bruit des couverts accentue une dimension stridente qui suscite notre curiosité quant à la suite des évènements.
Mais l’action n’est en fin de compte pas au rendez-vous, les convives tombent indéfiniment dans le vide, comme piégés dans une boucle sans fin. Ceci est renforcé par l’intemporalité qui se dégage de ce film, nous ne savons ni le lieu, ni l'époque durant lesquels l'action se déroule. On peut même se questionner sur l'intérêt du film : est-il fait dans le but de nous dégoûter de la viande par le biais des multiples plats montrés jusque dans leurs plus infimes détails ? Ou est-ce une critique de la société de consommation qui en veut toujours plus ?
Il y a un aspect ostentatoire dans les plats qui sont présentés aux convives qui ne sont pas sans rappeler certaines scènes de nos classiques. Cette opulence sans mesure semble faire écho à la célèbre scène du banquet de Trimalcion dans le Satyricon, œuvre de Pétrone, où le riche affranchi enchevêtre des mets exquis, plus exubérants les uns que les autres.
Il est vrai que tous les plats dégoûtent, de part la brillance qu'un effet de clair-obscur crée sur eux, mais aussi de part leur mise en scène où l’on a l'impression que les animaux sortent tout droit d'un musée d'histoire naturelle Il y a également une dimension tactile dans ces images, nous avons l'impression de pouvoir toucher les plats et sentir leur odeur. Mais il y a une dichotomie qui se construit au fur et à mesure du court-métrage entre les plats raffinés qui sont présentés aux convives et le comportement même de ceux-ci. Le raffinement s'oppose peu à peu à la bestialité. En effet, plus les convives avancent dans leur descente, plus ils adoptent un caractère bestial, qui se rapproche d'ailleurs des animaux qu'ils mangent. La lumière insiste sur la dualité des personnages qui sont habillés élégamment, mais qui se comportent comme des animaux au milieu de la savane, arrachant des morceaux de viande avec les mains et volant dans les assiettes de leurs voisins. Cependant, une femme se détache de cette jungle le temps d'un instant en observant un à un les convives déchiqueter le contenu de leur assiette. Mais elle aussi finit par se jeter dessus avec une expression d’envie excessive et pétrifiante.
En fin de compte, le film laisse une ouverture d’interprétation assez large. À la toute fin de l’œuvre, le maître d’hôtel semble porter un regard critique sur le spectateur, la noirceur de celui-ci incarne comme un avertissement contre la gourmandise et la surconsommation qui empoisonnent notre société. Bien que l’esthétique et l’ambiance soient intéressantes, ce court-métrage laisse le spectateur sur sa faim, peut-être faut-il attendre le prochain étage ?