Une tête de sadomasochiste à séquestrer des enfants juifs et à les émasculer ; une musique de guerre à base de percussions qui fait penser à un rituel de sacrifice de jeune vierge ; une ambiance lugubre qui vous envahit de stress comme lorsque vous êtes confronté à votre première fois avec tonton Didier. Si Denis Villeneuve laisse croire au porno SM de votre rêve, c'est à vrai dire une toute autre œuvre sur la soumission et l'inégalité qu'il nous propose avec Next Floor.
Autour de cette table de convives plus ou moins affamés semblant issus de la haute bourgeoisie, se trouvent des majordomes réduits à leur fonction de servir ceux qui se goinfrent. Ils mangent plus que de raison, le sol s'effrite, jusqu'à s'effondrer jusqu'à l'étage inférieur.
NEXT FLOOR !
Métaphoriquement, l'appétit démesuré de ces personnes commence à peser : le sol se brise sous le poids des excès. Sur la table, nous trouvons porcs, volailles et autres animaux qu'on élève presque exclusivement pour notre consommation, mais également d'autres gibiers plus exotiques tels que de la lionne ou du rhinocéros. Toute cette viande prête à être consommée par ces gens est le fruit de notre quasi-éternelle domination. Nous avons dompté cette nature et ses habitants pour nous classer en haut de tout espèce animale pour notre survie, mais surtout pour notre confort. Tout est dominé par notre espèce, jusqu'à la mer représentée notamment par ces huîtres salement gobées. A travers cette avidité, Villeneuve nous remet en question sur notre position d'Homme, mais ce n'est pas tout.
Si chaque étage correspond à chaque génération qui ne fait rien à part se regarder dans le blanc des yeux et se dire à travers ce regard «Est-ce qu'on arrête ?», on peut se dire que cela dure depuis éternellement et qu'il est difficile, voire impossible, de rétablir l'ordre des choses comme le suppose cette chute finale qui a littéralement «tout cassé». Cependant, à travers ce sombre court-métrage, on peut cerner en plus une critique de la surconsommation, voire du capitalisme et de certains privilégiés.
En effet, à chaque étage qui s'effondre, certains continuent de se goinfrer alors que d'autres se remettent en question, ou finissent proche de l'état de mort. Petit à petit, les plus carnivores restent, les yeux fixés sur les autres convives d'un air «je mangerai plus que toi». Ces convives deviennent des concurrents. Ces derniers leaders consomment donc sans limite, mangent les restes des autres convives hors-concours, s'enrichissent de matière grasse indéfiniment sous les yeux des majordomes impassibles, assimilables au peuple, qui répètent sans cesse cet acte de service, sans rétorquer, soumis.
N'étant récompensé que par la mention spéciale du Jury jeune au Festival du court métrage de Bruxelles, Next Floor est tout de même un petit film aussi réussi sur la forme que le fond avec cette critique accessible, qui a le don de revigorer la petite flamme de révolution qui est en chacun de nos corps dociles.