Tout le monde se souvient de Strip-Tease, cette série de documentaires créée par la chaîne Belge RTBF au milieu des années 80 et diffusée en France sur la 3, en deuxième partie de soirée.
Le principe de l’émission était de suivre des personnes, soigneusement choisies au préalable, dans des scènes de vie quotidienne, sans intervention ni commentaire des réalisateurs.
Après un premier break, l’émission s’était définitivement arrêtée en 2012 après un dernier épisode aussi mémorable que polémique intitulé « Recherche bergère désespérément ».
Ni juge, ni soumise est l’œuvre de Yves Hinant et Jean Libon, que l’on retrouvait autrefois à la réalisation de Strip-Tease donc. Ne cherchez pas trop d’explication dans son titre, de l’aveu des intéressés, il a été proposé au cours d’une soirée arrosée, faisant évidemment référence au mouvement « Ni pute, ni soumise ».
Le film suit Anne Gruwez, un juge d’instruction de Bruxelles. Un personnage à la personnalité étonnante, loin de l’austérité que véhiculent généralement les gens de ce milieu. Durant trois ans, les réalisateurs l’auront suivi dans le cadre d’une affaire d’homicide non résolue dans les années 90 et dont le dossier a été rouvert. Mais parallèlement à cette enquête, qui sert de fil rouge, on retrouve notre juge au cours d’entretiens avec des contrevenants à la loi et leurs avocats, avec la police ou sur le terrain (notamment lors d’une exhumation de cadavre qui risque d’en mettre mal à l’aise plus d’un).
Le franc-parler et l’humour (noir) d’Anne Gruwez sont évidemment une bénédiction pour les réalisateurs, dont les méthodes n’ont pas changé depuis Strip-Tease. Ils livrent des images saisies sur le vif par un unique cameraman qui tente de se faire oublier et d'avoir le moins d'influence possible sur le déroulement des événements.
De l'aveu même d'Hinant et Libon, ils ne cherchent à véhiculer aucun message, à ne rien transmettre, chacun fait ce qu'il veut de ce qu'il voit. Un discours qui en laissera certains sceptiques dans la mesure où on peut toujours estimer que le simple montage du film peut contribuer à orienter le propos...
Bien sûr, les vieilles polémiques reviendront. Faut-il montrer à tous, des images d'entretiens qui devraient relever du confidentiel et qui évoquent des situations a minima peu reluisantes, voire graves ou tragiques: la misère sociale, la délinquance, la violence conjugale...mais d'autres argumenterons que ce n'est que la réalité de nos sociétés...
Mais le fait que ce soit "jeté en pâture" à un public parfois moqueur ou peu à même de mettre ce qu'il voit en perspective peut poser question.
Par ailleurs, on a un peu de mal à trouver totalement innocent le fait qu'on ne voit que des personnes de couleur passer devant le juge...à défaut d'en tirer des conclusions, on pourra au moins reprocher la maladresse aux réalisateurs.
Ni juge ni soumise est à l'image de Strip-Tease: tragi-comique, mais en tout cas, à ne pas mettre entre toutes les mains.
On ne peut qu'être impressionné par la capacité des réalisateurs à dégoter des personnages hors du commun au sens littéral du terme, mais également à nous livrer des situations qui ont souvent pour points communs de montrer une facette de nos sociétés qu'on se plait à ignorer, car trop triste, trop misérable, trop dérangeante, trop effrayante.
Toujours est-il que Yves Hinant et Jean Libon restent particulièrement doués dans cet exercice qu'ils maîtrisent depuis longtemps.
A vous de voir par contre, ce que vous retirerait de ce film.