A lire les critiques qui ont précédé la mienne, ce film a décontenancé plus d'un spectateur. C'est tout à fait normal : il ne correspond à aucun des schémas conventionnels. Film de guerre, oui, mais seulement pour le contexte et les effets irréels (très bien exploités) des procédés de vision nocturne. Film fantastique, non, pas vraiment ; étrange ou inexplicable conviendraient mieux. D'ailleurs, ce n'est qu'à la fin que j'ai réellement saisi le titre "Ni le ciel ni la terre". Expliquer davantage serait spoiler, et je ne le ferai pas.
Ce que l'on peut dire, c'est que, dans le décor extra-terrestre et hors du temps de l'Afghanistan, on assiste à un oppressant duel entre le maraboutisme inspiré par une sourate du Coran et le cartésianisme saint-cyrien d'un capitaine de l'armée française. Un western moderne entre tout a une explication et les voies du Seigneur sont impénétrables. Ou, en version intellectuelle : "Je pense, donc je suis" contre "Je crois, donc je ne rationalise pas".
L'histoire est amenée avec finesse et habileté (il faut s'appliquer pour distinguer de loin le filin qui relie les villageois comme une cordée alpine, mais il faudra être patient pour en comprendre le pourquoi). Tout au long du récit, on est successivement (et par à-coups rapprochés) intrigué, déçu, captivé, désorienté, ensorcelé, agacé... La fin est au diapason de tout ce qui précède. Elle énerve parce qu'elle est éminemment déconcertante ; mais le principe majeur réside dans la réponse à la question suivante : franchement, y a-t-il un seul spectateur qui l'aie vue venir de loin ?
Ma note de 6 rendait compte de mon désarroi, mais c'est précisément cette perte de boussole cinématographique qui est la marque de cette œuvre ambigüe. A mesure que le temps passe, je regrette de moins en moins --ou je me félicite de plus en plus, pour imiter l'ambivalence subjective du film-- de l'avoir vu. A la fin de ma rédac', je change déjà mon 6 en 7.