Drame psychologique et criminel, Niagara est aussi un film noir en couleurs, plus ambigu qu'on ne peut le croire. C'est une histoire d'amants et de jeux de l'amour contrariés sur fond de chutes du Niagara, décor propice habituellement au romantisme, sauf qu'ici, il est plutôt tragique. Mais le décor majestueux bien filmé par Henry Hathaway, dispute la vedette à une Marilyn Monroe au mieux de sa séduction ; non seulement elle trouvait là son premier vrai grand rôle important après une série de rôles secondaires, mais c'est l'un de ses rares rôles de femme fatale et de tentatrice, car contrairement à l'idée reçue, elle a plutôt souvent joué des bonnes filles idiotes. Ici, ses moindres gestes semblent avoir été parfaitement étudiés, elle a un côté vénéneux qu'elle cultive à la perfection, et son apparition en robe rouge reste un grand moment.
A ses côtés, Jean Peters joue un peu le rôle de faire-valoir, à la fois racé et troublant, et Joseph Cotten semble un peu perdu entre ces 2 femmes, il est clair qu'il n'était peut-être pas l'acteur idéal pour ce type de rôle. J'ai retrouvé une interview où Hathaway aurait souhaité avoir James Mason dans ce rôle de mari trompé et d'assassin en puissance ; selon lui, il aurait eu l'intensité et la sensualité nécessaires.
Quoi qu'il en soit, ce film est trop sous-estimé, il mérite d'être redécouvert à sa juste mesure, d'autant plus qu'il repose aussi sur une très mordante description de 2 couples confrontés à la sexualité de leur époque, le dialogue est surprenant et très allusif, c'était d'une certaine audace dans ces années 50 ultra pudibondes en Amérique, et Hathaway joue en orfèvre de ces zones d'ombre et de ses 2 interprètes féminines, ainsi que sur la beauté du Technicolor.