On ne peut que se montrer déçu par le traitement d'un type aussi hors norme. Le sujet est fantastique, mais le réalisateur, Bruce Weber semble ne pas avoir grand chose à montrer. Il utilise essentiellement des images tournées alors que Mitchum est très âgé, et qu'il "planche" - le terme n'a pas vraiment de sens quand on parle de Robert Mitchum - sur un album de reprises en duo.


L'ambiance est assez artificielle, il est entouré d'une gamine mannequin actrice un peu conne qui pose des questions sans intérêt, auxquelles il s'efforce bien sûr de fournir des non réponses, d'une autre nana ultra énervante ivre d'être en présence du mythe, et de Dr John, un gros sac clone de Silent Bob et qui n'apporte pas grand chose. Je suis un brin lapidaire mais c'est un peu ça.


J'aime penser que Mitchum a conscience de la médiocrité du cadre, et qu'il trouve une raison supplémentaire pour ne pas se livrer. Sans se focaliser sur cet entourage douteux, on peut ironiser sans problème sur les interventions de clients plus prestigieux. Le consternant "témoignage" de Johnny Depp fait penser à celui d'un personnage du centre de visionnage de Baer, faussement cool "tu sais c'est un truc marrant parce que Bob m'a un jour raconté qu'il avait vécu avec les papous, et bah c'était super chouette, et en même temps, si ça se trouve c'était pas vrai, mais je trouve ça super cool quand même qu'il me raconte des bobards, c'était Bob !".


Ils ont fait venir Clint Eastwood pour ne garder qu'un bout de phrase sans le moindre intérêt. Je ne peux pas imaginer qu'il n'ait rien dit de plus pertinent sur le mythe Mitchum. Bref des interventions bidons d'acteurs qui viennent faire les malins et s'écouter parler au sujet de leur fréquentation très sommaire de l'acteur de La Nuit du chasseur. A l'exception de ses petites filles qui parlent d'un homme beaucoup moins confiant que l'image qu'il s'efforçait de diffuser. Car le type super cool était convaincu d'être un escroc qui allait être démasqué. Au point d'avoir des idées suicidaires, ou de le faire croire à ses proches.


Mitchum est plus un grand personnage qu'un grand acteur. Tout le monde parle de la nuit du chasseur ou de Cape Fear, où il est effectivement ultra charismatique, mais il a aussi fait un paquet de nanars. Et je suis pas plus convaincu que cela par son jeu dans les nombreux extraits diffusés dans le documentaire. Et dire que le réalisateur s'émeut du fait qu'il n'a pas eu la reconnaissance qu'il méritait. C'est absolument faux, au regard de son talent, il a eu au contraire eu plus de célébrité qu'un Richard Burton qui est 10 fois au dessus en matière d'acting. Mais c'est un avis personnel.


Après il faut avouer que Mitchum est fascinant. Son anecdote dans le bar mexicain fait froid dans le dos, et la décontraction avec laquelle il raconte ce fait divers hallucinant impressionne. Clairement pas le genre de type que tu peux épater facilement.


Bien sûr il incarne le machisme dans toute sa splendeur, le genre à faire une tape sur le cul d'une nana qui pourrait être sa petite-fille pour qu'elle aille lui apporter un gin, et qu'elle reste dans le coin sans l'ouvrir. Même si c'est très amusant à observer, ça ne le rend pas si unique que cela. Il me rappelle mon grand-père pour tout dire, soit une génération de mecs qui ont vu et fait des choses effroyables, la guerre, la mort, la privation, la misère et qui ont cultivé un détachement vis à vis de tout dans leur vie par la suite. Le sourire en coin, le second degré perpétuel, le cynisme amusé, la misogynie rigolarde. J'ai d'ailleurs vu le film dans un petit ciné de St Michel, y avait que des vieux & des vieilles dans la salle, et ils jubilaient devant les saillies dignes de la ligue du LOL.


Dommage que la forme soit agaçante, et que les questions sans intérêt qui semblent appeler ses répliques habituelles "comment allez-vous ? - Pire" "j'aime beaucoup ce que vous faites" - je parie que vous dites ça à toutes les jolies filles que vous croisez" n'amusent qu'un temps.


On apprend pas grand chose de ces moments là, et on a pas droit à ses meilleurs traits d'esprit, car à 80 ans c'est compliqué. Il pratique le pilotage automatique, c'est bien légitime. Tout au plus peut-on admirer une forme de coolitude absolue intemporelle qui n'en a rien à foutre de rien ni de personne, un séducteur toujours flatté d'être dragué (mais jamais dupe) par des gamines intéressées qui veulent devenir actrice.

Negreanu
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le 30 nov. 2019

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