Pour son premier long-métrage, Dan Gilroy décide de coller aux basques d'un chômeur qui s'est trouvé comme vocation d'arriver le premier sur les scènes de crime avec sa caméra. Il suffit parfois d'un point de départ pour attiser la curiosité. Mais Night Call a le bon sens de ne pas s'arrêter de là en créant un personnage principal atypique. Véritable catalyseur d'une réflexion bien noire sur les chaînes d'informations, Lou Bloom est autant le fruit d'une société qui veut toujours en voir plus que la résultante de médias irresponsables bien décidés à lui en montrer plus.
Cynique, ce Bloom? Oui, totalement. Non pas qu'il refuse de voir les choses en face, mais il les accepte beaucoup plus facilement s'il peut les filmer. Ne reculant devant aucune bassesse pour faire grimper les audiences de sa patronne (dirigeante d'une chaîne locale), Bloom se fixe un "business plan" dont la cruauté est d'autant plus forte qu'elle est logique, voire même ordinaire. Gilroy nous offre un malaise de 2 heures (avec un climax final tétanisant) qui pourtant se révèle purement jouissif, car tout le monde en prend pour son grade.
La folie de l'image choc semble avoir raison du moindre signe de sagesse, soit étouffée par l'ambition ou le besoin. Au final, tout ce qu'on entend, ce sont les paroles hypocrites et l'orgueil mal placé. Et que dire de la prestation monumentale de Jake Gyllenhaal? Il y a fort à parier que son personnage hantera les années aussi bien qu'il hante les nuits de Los Angeles. Night Call est également l'occasion de retrouver la magnifique Rene Russo et l'excellent Bill Paxton, sans oublier le remarquable Riz Ahmed. Le film se fera sans mal une place parmi les films cultes de la dernière décennie. Et c'est tout le bien que je lui souhaite. Il est très probable qu'il traverse aisément les années à venir. Quoi de plus logique pour un film au sujet intemporel?