Ces dernières semaines, les studios américains ont beaucoup fait parler d’eux en dégainant un à un les bandes annonces de leurs blockbusters respectifs à paraître en 2015. Avengers 2, Jurassic Park 4 et surtout Star Wars VII, autant de grosses productions dans lesquelles Hollywood place tous ses espoirs, et le public aussi. Mais qu’à cela ne tienne, l’année 2014 n’est pas encore terminée, et l’on n’est pas à l’abri de quelques bonnes surprises. Et pourquoi pas d’un réalisateur qui signe son tout premier film derrière la caméra, avec un acteur principal reconnu pour lui assurer une visibilité décente ? « Night Call », réalisé par Dan Gilroy est sorti mercredi dernier, espérons qu’il ne passe pas inaperçu en cette fin d’année, car il mérite bien des louanges.
Lou, interprété par Jake Gyllenhaal, n’est pas le genre de type auquel on a envie de faire confiance. Ses airs un peu maladroits, son visage maigre et froid, il n’inspire rien de bon aux premiers abords. Et puis plus on le fréquente, plus on se dit qu’il y a quelque chose qui cloche. Avec sa manière de parler, et son implication excessive envers son travail, on ressent un profond malaise. Surtout qu’il ne fait pas n’importe quel travail : associé à une chaîne régionale de Los Angeles, il patrouille les rues de la ville le soir, guettant le moindre accident, la moindre agression ou fusillade pour se rendre sur place et filmer sur le vif les évènements. Seulement des faits divers, après tout, mais pourvu qu’ils soient sanglant, cela augmente l’audimat du JT de 18h 00. Et le sanglant, Lou, c’est sa spécialité. Passant de truand à la petite semaine à journaliste charognard, il n’a absolument rien de sympathique, de la première à la dernière seconde du film.
Nihiliste, il se distingue des anti-héros habituels de par son cynisme absolu, à commencer avec ses répliques. A chaque conversation qu’il entretient avec une autre personne, on décèle une ou deux phrases effarantes et complètement décalées à la situation, au point d’en rire jaune. Amoral, profondément inhumain, Lou a tout pour être détesté par le spectateur. Mais ce qui transparaît le plus dans ses actes, c’est son ambition démesurée et l’immense estime qu’il éprouve pour lui-même, au détriment de ses relations avec les autres. Au-delà de son personnage principal, le film est aussi remarquable de par son aspect cru et jusqu’au-boutiste, qui dénonce les médias télévisuels en les montrant sous leur pire jour. Voulant augmenter l’audimat à tout prix, ils sont prêts à tout pour choquer et impliquer personnellement les téléspectateurs, afin d’en ramener un maximum sur leurs ondes. De plus, le ciblage « par les producteurs de Drive » dans la promotion du film n’est pas totalement injustifiée, car le film nous offre quelques scènes d’adrénaline en voiture millimétrés et prenantes. Le film peut d'ailleurs aussi se targuer de représenter Los Angeles comme on l'a rarement vue au cinéma, avec ses longs boulevards nocturnes, et cette frénésie qui semble ne jamais s'arrêter. Le tout servit avec une bande-son d’ambiance plutôt immersive.
La réussite de « Night Call » doit beaucoup à la performance incroyable de Jake Gyllenhaal, qui était déjà remarquable dans "Enemy" sorti à la rentrée, mais pas seulement ; l’ambiance immersive, le point de vue plutôt original sur les coulisses du JT à l’américaine et les dialogues particulièrement cyniques en font une très bonne surprise.