Crime scene, (do not) cross
J'étais assez méfiant avant de voir le film, la parenté avec Drive rabâchée par la distribution française ne m'inspirait pas trop (Drive est bon mais ne m'a jamais ébloui) et des Gilroy je n'avais vu que le Michael Clayton du grand fère Tony que j'avais trouvé mauvais. Néanmoins l'histoire m'intéressait beaucoup, et j'ai vraiment eu raison d'être curieux parce que le film est une vraie bombe. En plus d'être un des thrillers les plus excitants de ces dernières années, il est également une critique acide sur les médias et le traitement de l'image. Gilroy part d'un point A qui est le personnage incarné par Jake Gyllenhaal ; dès le début, on sait qu'il n'y a rien à tirer de celui-ci, il est froid et asocial, manipulateur et sans scrupule... Il ne s'agit donc pas là d'un personnage qui sombre mais qui va faire sombrer ce qui l'entoure à ses fins. On le voit particulièrement à travers le personnage de Rene Russo, dont la position change face au personnage principal: ayant d'abord l'ascendant, elle se retrouve ensuite dans la position de victime avant de s'offrir aux ambitions de Lou dans une scène magnifique d'absurdité.
On a donc l'histoire sombre d'un homme à l'ambition dévorante auquel Jake Gyllenhaal prête ses traits hallucinés et livrent une prestation assez grandiose, semblant constamment à l'affût, paradoxalement épuisé mais très éveillé. Mais est-ce là tout? Non, ce qui fait la réussite de Night Call, c'est aussi et surtout la mise-en-scène de Gilroy. Bien évidemment, ce genre de sujet se prête à la mise en abyme et Gilroy l'a très bien compris. Tout comme Lou est obsédé par le cadrage, Gilroy joue de cela en superposant les cadres, on le voit bien durant la scène du restaurant chinois: la réalité est alors perçu à travers plusieurs filtres, et Gilroy montre à quel point elle peut être altérée dans les médias, mais rend aussi compte de la façon dont Lou voit le monde, il est déconnecté de la réalité, et c'est au final ce qui le caractérise dans son contact à l'humain. Au-delà de ça, la réalisation générale est très énergique, une impression de vie constante flotte sur Los Angeles, les courses poursuites sont à couper le souffle (et pourtant c'est pas les trucs qui me passionnent le plus en temps normal), et le film est équipé de son lot de scènes de haute voltige, je pense notamment à cette scène où Rene Russo donne ses consignes aux présentateurs qui commentent la vidéo de Lou.
On retient donc beaucoup de choses de ce film, de la prestation géniale et louée de Gyllenhaal à la réalisation de maître de Gilroy en passant par l'ambiance glaciale et oppressante qui plane sur ce film. Sans conteste une très grande réussite.