"Avant de vous lancer sur le chemin de la vengeance, creusez deux tombes" a dit Confucius. Je le sais car je l'ai vu imprimé sur une housse de couette. Park Hoon-Jung doit se fournir à Habitat lui aussi. Let's go pour un revenge movie confucéen alors. Et pour un polar romantique aussi, pourquoi pas. J'ai rien contre l'idée de Bonnie and Clyde à Jéju. C'est même dommage que l'île demeure aussi cliché malgré cela. Le film aussi d'ailleurs...
Park Hoon-Jung n'a pas filmé que des bêtises, il en a aussi écrite. "대명천지 21세기에 무슨 구태가, 아이 (on vit au 21eme siècle. Pourquoi es-tu démodé ?)", on va passer vite fait sur le sous-titre français approximatif (ça pour le coup il n'en est pas responsable) pour se demander si l'auteur ne s'est pas adressé cette réplique à lui-même. Le sentiment de déjà-vu est assez aigue pour un film récent (sorti directement sur Netflix pour cause de Covid, on peut dire un film de son temps) : le métrage cumule les tropes du polar (gang de costards PNJ, tatoués au sauna, désespoir pluvieux) et ceux du drama rom-com (le faux départ, le grab-wrist, l'héroïne saoule, la phase terminale, le fait de parler tout seul quand on pense à voix haute). Etrangement, j'en suis venu à me demander si le film était pas victime de sa durée : l'intrigue aurait fait un bon drama à la place d'un métrage maladroit. J'ai eu l'impression de regarder Extracurricular en version abrégée, et la façon dont les évènements se précipitent les rendent accidentellement comiques (en dehors des séquences où c'est clairement intentionnel), sans parler du cabotinage de Cha Seug-won qui me sort instantanément du mood. Sérieux on dirait son personnage dans "Rends-moi mon briquet", ce qui jure, lorsque le polar reprend la parole, avec les (trop) nombreuses effusions de sang, les éclaboussures de couteau et... les coups de feu (?!) : oui, ce polar lorgne un peu trop du côté de l'heroic bloodshed hong-kongais par moment. Une nouvelle législation des armes, ne concernant que Jéju, semble avoir été adoptée dans la nuit. Mais je ne vais pas faire un procès en réalisme, ce film est un conte : l'histoire d'un couple de héros tragiques en sursis, inexorablement baigné dans un filtre Melvillien de petit matin bleu fantôme sur une île de Jéju aussi américaine que sa nuit -> tout ce que j'ai haï dans VIP et dans The Witch (part.1, j'ai pas eu le courage de m'infliger la seconde partie). S'agissant de la narration visuelle, je vous dirais que je n'en ai presque rien retenu, hormis des compositions de cadre surprenantes (pas dans le bon sens du terme) et un recours, autant rare que comique, au changement de focale pour accompagner les pétages de plomb Seung-wonesque (qui n'en demande pas temps pour être rigolo, alors qu'il semble être écrit pour partager la droiture morale du héros... héros à qui on donne un parcours rédempteur alors qu'on ne l'a jamais vu commettre de réelle faute, insecte missionnaire qu'il est). Non vraiment ce nouveau film confirme juste que Park Hoon-Jung ne rejoindra pas le panthéon des grands réalisateurs coréens, alors que ses trois premiers films et ses deux premiers scénarios nous le laissaient espérer. Son prochain film "The Childe" sort dans 5 jours avec un Kim Seon-ho, en costard sur filtre bleu (mais que quelqu'un lui retire) en mode encore plus secoué que son perso à fleur de peau dans Strongest Delivery Men. Je crains le pire. Une dernière réplique d'Eom Tae-goo pour se quitter ? "Vous savez quoi, je déteste quand les gens me demandent si je vais bien quand il voit que je vais clairement pas... mais c'est gentil de demander." Bon ben tout est dit.