Je voulais revoir la première adaptation d'Edmund Goulding avant de me plonger dans « Nightmare Alley », ce que je n'ai malheureusement pas eu le temps de faire. De toute façon, je ne pouvais décemment pas manquer une occasion de découvrir le dernier Guillermo Del Toro, s'émancipant presque totalement ici du fantastique sur lequel il a bâti sa réputation. Un remake, donc, mais évidemment en couleurs, comme toujours fastueusement réalisé, misant à plein sur les décors (remarquables) et la photographie (qui l'est tout autant).
Un authentique « Film noir en couleurs », donc, respectant de belle manière les codes du genre, aussi bien dans le passé trouble des personnages que l'ambiguïté caractérisant presque chacun d'entre eux, offrant une histoire séduisante, aux séquences parfois fortes et nous ouvrant sur un univers pas tant traité que ça au cinéma : le cirque et la (fausse) télépathie, l'occasion de plonger de façon captivante (et un peu courte) dans les techniques des escrocs pour rendre le spectacle le plus crédible possible.
Un semblant de pureté à travers le personnage de Rooney Mara ne compense évidemment pas la profonde noirceur et le pessimisme du propos, incarnés tout particulièrement par Bradley Cooper et Cate Blanchett. La seconde est magistrale, rendant ce second rôle aussi troublant que vénéneux assez fascinant, tout en apportant une élégance supplémentaire à une œuvre qui n'en manquait déjà pas. En revanche, au milieu de seconds rôles tous très convaincants (mention spéciale à Willem Dafoe), le beau Bradley déçoit un peu. J'ai cru comprendre que Leonardo DiCaprio avait été envisagé : qu'est-ce que ça aurait été bien... Pourtant c'est un acteur que j'apprécie beaucoup, et j'étais persuadé que ce rôle serait celui de sa consécration. Mais non. Il est bon, sans plus. Manquant presque étonnamment de charisme, de présence pour le rôle.
Enfin, si le film est de qualité, bien construit, bien mené, rien non plus de vraiment étonnant dans son déroulement, ses enjeux : respect des règles du genre prônant clairement sur leur bouleversement, même si, au vu du matériel originel, c'était évidemment compliqué. À voir, donc, assurément, pour ce qui reste un titre se distinguant clairement cette année, aussi bien visuellement que dans le talent narratif, appelé à occuper une place plus qu'honorable dans la filmographie de son auteur, même si on était, aussi, en droit d'attendre un peu plus de Del Toro et à un peu moins d' « hommage » à un cinéma (hélas) presque disparu.