Nirvana
5.2
Nirvana

Film de Gabriele Salvatores (1997)

Pourquoi tant de haine pour ce film ?


Passons les défauts évidents: une Emmanuelle Seigner un peu niaise, des effets spéciaux qui ont mal vieilli (le sang, la représentation du Réseau - qui fait penser à Tron), un manque évident de moyens sur certaines scènes et un redoublage français parfois ridicule. Non, Christophe Lambert n'est pas un défaut à mes yeux : son jeu sobre fonctionne très bien ici, et le reste du casting (Joystick et Naïma) m'est tout aussi sympathique.


Ce film est un Blade Runner "du pauvre" (comprendre : filmé avec moins de moyens) avec option mysticisme et un des rares films à faire du cyber-punk son sujet central - sans l'étouffer par des scènes d'action inutiles, des personnages de hacker grosbill ou du charabia pseudo-informatique pour faire "hard science". Construit comme une partie de jeu de rôle (ce qui achève de me le rendre sympathique), il explore des décors imprégnés de la juste dose de crasse et d'inventivité, un bon mélange de réalisme exotique et de fantasme dur : quartier Marrakesh délabré, enclave hindoue oppressante, rues futuristes, yakuzas prêts à vous transformer en sushis, pères Noël portant des masques à gaz, dealers de paranoïa, cyber-touristes, spécialistes de la cyber-sex-stimulation, chauffeurs de taxis pourvoyeurs de marijuana liquide, neige qui tombe à pleins flocons dépressifs sur les néons agressifs d'une ville qui, oui, forcément, fait penser à la Los Angeles décrépite de Blade Runner, mais qui ne colonise par la verticalité... ici, on a le droit à des labyrinthes de couloirs, de contre-allées, d'appartements délabrés hantés par des anarchistes digitaux aux corps envahis par des machines, pour qui l'esprit/le virtuel prime sur une chair lasse et désacralisée, que l'on peut percer/droguer/déformer/remplacer par des prothèses/stimuler avec du virtuel pour la réveiller. Cette ambiance visuelle riche et diversifiée est soulignée par une BO très intéressante : un mélange stimulant de folk ("John Barleycorn must die"), de Cesaria Evora, d'électro et d'ambiant.


Le film brasse des thèmes aussi variés que la conscience, l'identité, le deuil, la perte de repères entre réel/virtuel, l'immortalité atteinte en transférant ses souvenirs sur une puce puis dans la mémoire de quelqu'un d'autre, la réincarnation (vue à travers un prisme bouddhique), le développement du net, la création de jeu, la dépendance au virtuel, le transhumanisme (la scène d'opération des yeux est par contre assez insoutenable), le hacking (ici très intelligemment traité en combinant aspect technique & sentimental : la scène d'exploration du système "nerveux" d'Okosama Starr sera d'ailleurs intégralement repompée dans le 2e Matrix)... Le tout est traité avec un mélange de finesse et de mysticisme vraiment intéressant.


Bref : un des films cyberpunk qui, malgré ses défauts techniques, reste un des plus justes que je connaisse... avec Johnny Mnemonic (haï à cause de Keanu Reeves et de son budget cheap, j'imagine... alors que les concepts sont juste géniaux - forcément, avec William Gibson au scénario...).

LongJaneSilver
8
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le 28 mars 2015

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LongJaneSilver

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