À la fois ténébreux par sa violence aseptisée de toute émotion, et brillant d'une intelligence rare, vous tenez No Country for Old Men. Une histoire d'argent sale qui est convoité par différentes mains plus ou moins honnêtes, les (très) grandes lignes du synopsis pourraient sembler banales, mais ça serait oublier les intrigues secondaires (toutes les histoires que raconte ou entend le vieux personnage campé par Tommy Lee Jones, qui expliquent avec force et concision le fameux "il n'y a pas de terres pour les vieux hommes"). Violent sans tomber dans la facilité du gore, en offrant là une voie dorée pour le jeu unique que nous offre Javier Bardem : froid, sobre, méthodique et bourré de tics, mais terrifiant à souhait malgré sa coupe à la Mireille Mathieu (une prouesse d'arriver à nous faire oublier ce scandale capillaire). Sa présence souvent entraperçue est synonyme de moment fort et pourtant froid en émotion, un coup de maître de Bardem, l'impassible tueur. Son petit jeu de pile-ou-face est ahurissant, et on se demande avec appréhension ce que l'on ferai à la place de la victime... Beaucoup ne verront plus les bombonnes à air comprimé de la même façon après ce film... Des séquences filmées avec brio (les ombres du shérif et de son acolyte qui se répondent dans la lumière devant un magasin, un Bardem qui se tient dans l'obscurité d'un coin de lit et ne laisse entrevoir que ses yeux au regard glacé... Terriblement efficace). Les dernières paroles du film laisseront plus d'un spectateur pantois, mais il faut les comprendre pour tirer la fin de la magnificence de ce film sans issue pour les hommes âgés (
Tommy Lee Jones raconte deux rêves dans lequel son père le devance à cheval pour se planter dans l'obscurité de la nuit et attendre son fils... Ou comment Tommy Lee Jones avoue qu'il sait que, comme son valeureux père, il commence à se faire vieux et va bientôt le rejoindre dans les ténèbres... D'ailleurs, n'y a-t-il pas un générique fondu au noir juste après ? Et l'on se rappelle que le shérif a déjà devancé de vingt ans l'âge auquel son père est mort, qu'il est écœuré de n'avoir pas pu sauver sa dernière enquête, et qu'il entretien un rapport incertain avec la religion..
). Non, décidément, il n'y a aucun pays pour ceux qui vieillissent. Sombre, brillant, violent, méticuleux, une leçon.