Oui, je suis mièvre, naïf, poète, un peu enfant peut-être.
Oui, j'aime beaucoup la chanson Noël blanc, quel qu'en soit l'interprète d'ailleurs ...
Oui, je suis anti-militariste, je l'affirme, je l'assume et pourtant, oui, j'aime le film Noël blanc.
Oui, ce film a beaucoup vieilli ! Oui, en même temps, quels visuels, quelle vitalité, quels rythmes, comparés à nos films actuels.
Il y a de ces vieux films des fifties et sixties qui ont une élégance, un standing, une intelligente naïveté, un panache et un rythme endiablé à faire pâlir tous leurs successeurs. Bons Baisers de Russie et Noël blanc sont de ceux-là, pour donner des exemples.
On dit Noël blanc militariste.
Il l'est, si on retient son attention sur l'avant-dernière chanson du film, Gee, I Wish I Was Back in the Army, qui mêle propagande militaire, pin-up d'affiche militariste dans une joyeuse parade de danse qui rappellera aux modernes la séduisante reconstitution de Captain America : First avenger.
On en doute, lorsqu'on voit s'ouvrir le film sur une scène qui a sûrement inspiré Christian Carion pour son film Joyeux Noël. Une troupe de soldats réunis autour d'un théâtre de fortune au beau milieu des ruines de la guerre, émue, rêveuse, écoutant le sublime White Christmas de Bing Crosby.
C'est alors que l'on comprend que, si ce film a pu être militariste à sa sortie, il est intemporellement à lire comme un récit sur le passé et la volonté de le retrouver. A l'image des paroles de la chanson éponyme. Deux soldats liés par l'amitié plus que par une dette de guerre qui leur sert de prétexte décide de raviver le bon temps de commandement et de la jeunesse du gradé qui les avait couvert pour fêter Noël tandis que tonnait sur le champ de bataille tout autour d'eux les canons. C'est là la véritable histoire du film, la vie militaire n'étant qu'un prétexte, qu'un moyen d'atteindre un public encore marqué par cette guerre. Ces soldats, ce décor, ce passé renouvelé, vivant dans le présent , qui amorce la fin du film et la tombée de la neige, c'est cela le véritable sujet du film. Les neiges du temps jadis qui ramène le temps présent vieilli, aigri au temps vierge et jeune.
Que de couleurs, de belles chorégraphies, d'humour - malgré bon nombre de cabotinages et de pantalonades inversées - dans ce somptueux film du grand Michael Curtiz (Casablanca, Bagarres au King Creole ) !
Quel beau casting qui entoure le grand chanteur Bing Crosby !
Entre le trublion Danny Kaye (La Vie secrète de Walter Mitty), la vedette fétiche de Curtiz Dean Jagger, et Vera Ellen, l'habituée des comédies musicales ( La Belle de New York, Appelez-moi Madame, etc ...).
Alors d'où vient que je rechigne à donner une plus haute estime de ce film ?
Eh, bien .... Ce film est un de ces films censés vanter les mérites d'une chanson d'un interprète, comme Elvis, les Beatles, Bourvil et Fernandel l'ont fait à plusieurs reprises.
Et le film en profite peu pour mettre en avant l'esprit total de Noël. La neige tant attendue qui finit par tomber, extrêmement symbolique, n'est pas au centre d'un récit qui repose sur elle. Sans doute la raison pour laquelle certains n'y voient qu'un film de propagande militaire.
Du moins est-ce un beau film, qui demande un esprit "ennoëlisé", enclin aux néologismes et à la suspension de crédibilité pour se jeter à corps éperdu dans le rêve, la danse et la musique.
Remember: the best things happen while you're dancing !