Tout au long de sa prolifique carrière, Jean-Pierre Mocky aura régulièrement adapté des romans noirs américains ("Le témoin", "Agent trouble", "13, French Street"...) - un registre qui lui a souvent réussi, ces films étant généralement bien considérés au sein de sa filmo très inégale.
"Noir comme le souvenir" est l'une de ces adaptations, en l'occurrence d'un roman noir de Carlene Thompson, qui débute par l'enlèvement d'une petite fille.
Le film est à mes yeux une demi-réussite, Mocky signant un polar correct, riche en rebondissements, mais plombé par quelques défauts gênants : interprétation aléatoire, invraisemblances, mise en scène un peu plate...
Le point fort du film réside dans son atmosphère provinciale délétère, où chacun semble cacher de lourds secrets : Mocky parvient à installer une ambiance pesante, à la lisère du fantastique, grâce notamment à des personnages secondaires étranges et inquiétants (l'ancien policier alcoolique, la voisine âgée et son frère...), ainsi qu'à une photo oppressante dans les tons gris-bleus.
Pour illustrer cette atmosphère provinciale, Mocky choisit de tourner dans la ville suisse de Baden, un décor ciné-génique, avec cette rivière centrale entourée de vieilles bâtisses pittoresques.
A la belle saison, ce cadre peut sans doute apparaître idyllique, mais Mocky en fait un lieu froid et lugubre.
"Noir comme le souvenir" flirte également avec les codes du conte pour enfants, mais dans une perspective inquiétante, à l'image de la ritournelle fredonnée par une petite fille dès le générique d'ouverture (évoquant ainsi "Rosemary's baby" de Polanski), des flonflons de fête foraine avec ces clowns muets, ou encore de l'étrange spectacle donné à l'école primaire.
Comme souvent, Mocky parvient à réunir un joli casting, mais l'interprétation se révèle hélas inégale, faute d'une direction d'acteur rigoureuse. Ainsi, je n'ai guère été convaincu par la prestation de Jane Birkin en mère éplorée au bord de la crise de nerfs, tandis que Sabine Azéma et Jean-François Stévenin font le job sans briller particulièrement.
En revanche, certains seconds rôles se distinguent positivement, à l'image de Benoît Régent (décédé brutalement à la fin du tournage), de la doyenne Jany Holt (dernière apparition au cinéma), ou encore de l'allemand Matthias Habich.