Après un Get Out intéressant, et un Us qui est pour moi un des meilleurs films de genre de la dernière décennie, Jordan Peele réalise ici avec Nope, son (incontestable) meilleur film.
Comme toujours chez Peele, il y a une impression de simplicité dans les grandes lignes de son intrigue. Cette fois c'est l'histoire d'un frère et une sœur vivant dans un ranch d'une vallée de Californie, et qui voit un OVNI.
Mais derrière cette simplicité apparente, le cinéaste n'en oublie pas de délivrer des messages. Comme toujours on a le droit à une réflexion sur la place des afro-américains dans la société américaine, ici dans l'industrie Hollywoodienne, et leur héritage. Il rédige par la même occasion un constat amère de cette industrie du cinema sans âme, bourrée de fric, devenue de simples parc d'attraction, que l'on confronte aux passionnés. C'est aussi le rapport à l'image, à filmer l'impossible pour ne pas tomber dans l'oubli, le spectaculaire à outrance et à tout prix. Il rend aussi un hommage superbe aux differents techniciens. Mais le plus gros côté méta est bien celui sur l'exploitation animale, l'exploité qui se rebelle. Je ne veux pas en dire plus, simplement faites attention à la scène d'introduction.
Mais aller voir Nope juste pour ses discours serait gâchis. Car on a à faire à un magnifique divertissement, un film qui est l'héritage de Steven Spielberg (Dents de La Mer, Guerre Des Mondes, Rencontre Du troisième type), de Super 8 (lui même héritier de Spielberg). Il multiplie les références et les influences au western, à l'horreur de série B, au thriller (ce mélange est aussi présent dans la BO, et ca donne quelque chose de (bizaremment) très pertinent). Il va même jusqu'à citer de la Japanimation dans certains plans. Mais ce qui est énorme, c'est qu'il regroupe toutes ces influences et en modernise les codes, il propose des choses novatrices en terme de SF. Il nous livre un récit chapitré certes, pertinent encore une fois, mais aussi très libre et imprévisible. Entre ruptures de tons humoristique, horreur, grosses scènes d'Alien, et personnage qui se révèle au fur et à mesure jusqu'à être très intéressant (notamment celui de Steven Yeun), Peele n'en finit pas de nous surprendre. C'est véritablement fascinant.
Et puis au niveau du spectacle c'est grandiose. Sa mise en scène est magique, bien meilleure que dans Us et Get Out, déjà deux films très intéressant visuellement. Il joue avec les nuages, les ombres dans le ciel (nous forçant à regarder ce ciel, et du coup la menace, alors que les personnages ne le peuvent pas sous crainte d'être "repérer"), les paysages, la pluie, la nuit. Avec un aspect très plastique, organique, sans oublier d'utilise les ressorts techniques du cinéma moderne. Il nous gratifie de plusieurs scènes énormes, magnifiques au minima, terrifiantes au maximum. Ce qui est sûr c'est qu'elles sont virtuoses, intenses, sublimes, ses mouvements de caméra sont digne d'un Spielberg. Rien que la représentation de la menace extra terrestre, c'est du grand spectacle, du jamais vu.
Nope c'est l'un des plus grands films de ce début de décennie, tout simplement. Plus j'y pense et plus il grandit dans mon esprit, c'est immense.