Attention, cette bafouille peut contenir des spoilers ! Merci de votre compréhension.
The Sea of Trees s'était tellement fait défoncé à Cannes lors de son passage en compétition que je me suis demandé si le dernier film de Gus Van Sant allait sortir en salles ! Ce qui amène cette question intéressante : le mauvais film d'un grand réalisateur mérite-t-il de sortir en salles ? Le distributeur SND pense en tous cas que oui puisqu'un an plus tard, en profitant d'une expo consacrée au cinéaste à la Cinémathèque française comme excuse et en renommant le film d'un nouveau et pitoyable titre français, The Sea of Trees sort dans nos salles. Mais discrètement, hein, faudrait pas non plus se reprendre une nouvelle volée de bois vert !
Et je me suis dit quand même que les critiques à Cannes sont extrêmement rudes, sans doute à cause d'une très haute fréquence de visionnages rendant tout jugement assez expéditif. Car The Sea of Trees n'est pas non plus un ratage complet. Dès les premiers plans justifiant le titre original du film, où le frémissement dans les branches de l'infinie forêt crée un véritable océan, on comprend que Gus Van Sant voit dans son film un fort potentiel esthétique. Puis les errances de Matthew McConaughey, excellent comme toujours (indépendamment j'espère du fait que je tombe amoureux de lui à chaque nouveau film), offre un survival autant physique qu'émotionnel assez captivant, hanté par des images mortifères putrides et paisibles à la fois. Assurément, Gus Van Sant a tout de même parfaitement planté son décor, la forêt japonaise (qu'il semble avoir trouvé en fait au Massachusetts !) se révélant aussi belle et anxiogène que les déserts traversés dans My Own Private Idaho ou Gerry.
Bon, c'est vrai que The Sea of Trees aurait mérité d'être plutôt un court-métrage se déroulant exclusivement dans cette forêt. Parce que dès que Gus Van Sant s'aventure dans des flash-backs racontant la romance contrariée de Matthew et Naomi Watts, on décroche. Car ces flash-backs explicitent inutilement et banalement les errances du protagoniste et alourdissent un symbolisme déjà assez envahissant du film. Censé être un prolongement de l'aventure forestière de Matthew, ces flash-backs sont plutôt des parasites romantiques et prévisibles du film, un peu comme si le versant grand public de Van Sant s'invitait dans sa filmographie expérimentale. Le principal défaut de The Sea of Trees, c'est donc que Gus Van Sant ne sait pas s'il doit le consacrer à Cannes ou aux Oscars, son film étant rattrapé par la schizophrénie qui parcourt l'ensemble de sa passionnante carrière. Comme son personnage, Van Sant s'est donc un peu paumé, mais va sans aucun doute rebondir très vite.