J'avais peur que le film soit une sorte de compilation d'éléments des précédentes adaptations de Dracula et que je sois vite lassé. Alors d'une certaine manière, c'est un peu le cas. On retrouve les personnages qu'on connait déjà et dans la même histoire, avec une imagerie gothique et expressionniste qui nous est familière. Mais même en reprenant un film centenaire qui a été mille fois cité dans toute l'Histoire du Cinéma, Eggers parvient à se démarquer.
Plus que jamais, on a un film qui est réellement effrayant et pesant avec une atmosphère froide qui alterne subtilement entre réalisme cru et onirisme profond. Nosferatu redevient une créature hideuse et imposante dont chaque parole et chaque apparition dans un recoin sombre du cadre nous fait frissonner. Il y a également une dimension sexuelle qui, sans l'aspect romantique de la version de Coppola, transforme le personnage en prédateur pervers et manipulateur, ce qui le rend plus fascinant. L'un des partis pris d'Eggers est de pousser au maximum la recherche historique en se rapprochant notamment de Vlad l'Empaleur et en faisant apparaître la culture tzigane aux abords des Carpates. C'est un peu sa marque de fabrique, de nous immerger dans des époques plus anciennes avec un travail de reconstitution rigoureux. Les décors sont majestueux et respectent donc la grandeur du matériau de base. Dans un tel contexte, le maniérisme kubrickien des cadres et des mouvements de caméra me paraît pertinent.
Il y a quand même un petit défaut en terme de narration, le développement des personnages secondaires crée des temps morts qui cassent le rythme du film. On sent la volonté de faire le Dracula "ultime", parfois au détriment de l'efficacité. Je pardonne assez facilement grâce aux deux cerises sur le gâteau, la somptueuse nuit américaine en bleu désaturé qui évoque les monochromes du film de Murnau et surtout l'apparition démente de Willem Dafoe en Van Helsing, il s'éclate partout où il passe.