Robert Eggers est un réalisateur précieux, comme l'ont prouvé The Witch et The Northman. Et The Lighthouse, aussi, mais dans une moindre mesure.
Son soin maniaque dans la reconstitution et son amour des belles images irradient une fois encore avec Nosferatu, au point de penser que Robert Eggers semblait destiné à mettre en scène son propre remake.
... Et à s'emparer des aspects les plus expressionnistes de son imagerie.
L'annonce du projet avait mis le masqué en joie, qui piaffait d'impatience à l'idée de se confronter au nouvel opus de l'un de ses réalisateurs les plus estimés.
Et il était tout d'abord confirmé dans ses attentes, tant l'aura de mystère du comte Orlok s'empare de l'écran et du mixage sonore, dans sa voix caverneuse venue d'outre-tombe. Il s'est aussi vu revenir sur les terres arpentées par The Witch, quand les tziganes et leurs superstitions se sont montrés. Tout était là, devant ses yeux, constituant la moelle du cinéma d'Eggers.
Mais faisant glisser peu à peu ce remake vers le film de possession, irradiant de toute son atmosphère funeste. Que ce soit cette main basse sur la ville d'Orlok, dans une image terrassante, ou cette prise de pouvoir sur les corps et les esprits, en suçant toute l'énergie vitale, c'est là que ce Nosferatu démontre toute sa force et sa puissance d'évocation, qui a fait chavirer le masqué et son absence de sens critique.
Soit un film ancré dans l'époque qui l'anime, tout en imposant une interprétation actuelle des plus glaçantes, faisant écho aux traumas refoulés et au malaise de sa victime. Et c'est là que Lily-Rose Depp s'impose de manière éclatante dans sa prestation, comme Eggers impose Ellen Hutter comme le personnage principal de son aventure intérieure.
Ainsi, gorgé de sublimes images gothiques plongeant plus d'une fois dans le noir et blanc, traversé d'ombres funestes et inquiétantes se nourrissant des ténèbres pourrissantes des Carpates, traversé de visions passionnantes entre sacré et profane, cette nouvelle version de Nosferatu avait tout pour plaire au masqué.
Hélas ! Il aura fallu une troisième partie très mécaniques et très attendue, que Eggers ne sera pas parvenu à sublimer, pour venir tempérer son enthousiasme initial et lui faire réaliser que l'oeuvre aurait sans doute gagné à être condensée. Car Nosferatu démontre qu'il n'est pas aisé de soutenir le charme et l'aura, si savamment mis en place, sur une durée de deux heures douze. Soit un écueil que l'artiste avait réunni à surmonter en orchestrant la vengeance de son Northman en 2022.
Mais si Robert Eggers trébuche, il réussit cependant malgré tout à imprimer la rétine et la mémoire de son public parmi les plus belles images de l'année cinéma 2024.
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