Nosferatu
6.4
Nosferatu

Film de Robert Eggers (2024)

Je n'ai pas vu le Nosferatu de 1922, ni celui de 1979, et je n'avais donc aucune attente de ce côté. Pour tout dire, je connaissais si peu ces films que je ne savais même pas que c'était une adaptation de Dracula sans la licence, et j'ai donc été très surpris que le film suive exactement l'histoire du roman de Bram Stocker. Adapté de cette oeuvre, je n'ai vu que le Dracula de Coppola, auquel je m'efforcerai de ne pas trop comparer ce nouveau film.


De Robert Eggers, je n'ai vu que son premier film, The Witch, un huis clos très froid, austère et contemplatif, à la plastique irréprochable. Dans The Witch, Eggers faisait monter une ambiance oppressante avec une lenteur insidieuse, et une belle économie de moyens, et c'est à peu près ce que j'attendais de son Nosferatu.


Pari tenu. Le film est magnifique, avec ses couleurs froides et ses lumières ténues, mais contrastées. Que ce soit ou pas le cas, le film semble avoir été principalement tourné dans des décors réels, et ne tombe jamais dans un excès de gothique ou de gigantisme à la Bloodborne, comme j'aurais pu le craindre. Au contraire, ses paysages urbains et ses vieilles ruines font preuve d'une belle retenue, et c'est devenu assez rare pour être apprécié.


J'ai particulièrement apprécié sa photo léchée, ses beaux jeux d'ombres et de lumières, l'arrivée dans le village bohémien en plan séquence, l'arrivée dans une auberge saturée de fumée, la calèche, l'exploration du château, ou encore les rats pestiférés. Grâce à ses tons désaturés et la retenue dont il fait preuve, le film ne fait pas de fautes de goût et ses occasionnelles exubérances visuelles n'en sont que plus frappantes. D'un point de vue formel, en termes de mise en scène et de photo, j'ai été gâté.


o o o


Malgré tous mes efforts, j'ai eu le plus grand mal à ne pas sans cesse comparer le film au Dracula de Coppola, car j'ai beau ne pas l'avoir revu depuis bientôt 30 ans, j'en garde un souvenir indélébile et singulièrement net.


Mais en fin de compte, les deux films pourraient difficilement être plus différents : l'adaptation de Coppola est beaucoup plus démonstrative et flamboyante, dans ses personnages, sa photo et sa mise en scène, et c'est en faisant tout l'inverse que Nosferatu parvient à mes yeux à s'en émanciper et à être son propre film, plutôt que juste refaire la même chose. Avec une colorimétrie à l'opposé des couleurs chaudes et chatoyantes du film de 92, c'est une version hivernale et sans espoir qui donne au film sa légitimité de nouvelle adaptation. J'ai aussi aimé cette ambiance pesante d'apocalypse imminente que n'avait pas le film de Coppola.


[SPOILER]

Pour la même raison, je suis également satisfait que ce ne soit pas une histoire d'amour romantique comme dans Dracula, mais plutôt une malédiction réciproque et exclusivement charnelle.


Le casting est solide. Willem Dafoe est toujours excellent, et Lily-Rose s'en sort très bien dans ses scènes de démence et de possession, mais un peu moins le reste du temps. Pour l'avoir dans un autre rôle où je l'avais trouvée convaincante, je pense que c'est l'écriture de son personnage qui la dessert, avec des dialogues très écrits qui manquent de naturel.


Mon principal reproche est que je trouve le film un peu trop sage et presque scolaire. J'espérais plus de folie et d'audace, une sexualité plus débridée, des fulgurances gores plus décomplexées, n'importe quoi d'assez viscéral pour rompre la monotonie de son rythme avec quelques électrochocs.

Et pourtant, je me rends bien compte que ce classicisme et cette retenue sont l'un des principaux parti pris du film, donc je suis certainement en train de raconter n'importe quoi, mais je n'ai pu m'empêcher de trouver ce Nosferatu un peu trop lisse et doux.

Ezhaac
7
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il y a 7 jours

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