A quoi bon l'esthétisme si c'est pour vider le film de genre de sa substance ?
Pourtant l'esthétique du film est plaisante, ce malgré quelques décors fades et peu convaincants. Si on ne connait pas ou peu celles des films et oeuvres qui l'ont précédé - au hasard, le Dracula de Coppola, l'Exorciste de Friedkin, les filles rappelant les soeurs jumelles dans Shining ou le Nosferatu de Herzog ou encore de références plus pointues comme le Philosophe méditant de Rembrandt lorsque le personnage du Professeur Von Franz est introduit -.
Si le film est effectivement un remake, d'où le fait que le Nosferatu de Murnau n'est pas cité plus haut, il n'apporte à mon sens rien de nouveau sous les tropiques de la Transylvanie. D'accord, Eggers s'évertue respecter à la lettre ce que le film de Murnau et le roman Dracula racontent, la narration adopte un cadre plutôt "réaliste" (au sens intradiégétique, du point de vue des personnages), mais le fantastique n'émerge pas toujours de fait de manière efficace - ou alors il est confondu avec l'horrifique et le gore -. Beaucoup de jumpscare visuels ou apportés par le montage qui n'apportent pas grand chose également que ce soit pour la narration ou pour les personnages (car le personnage de Lilly Rose-Depp subit quelques images mentales suggérées par le montage). Les personnages sont pour le moins caricaturaux le personnage de Dafoe l'est également, mais est pour moi le seul qui convainc par un peu de légèreté et d'humour. Pas très convaincu par Lilly Rose-Depp qui à part avoir des convulsions fulgurantes, est assez insipide.
Enfin de telles figures monstrueuses telles que celle de Nosferatu incarnent bien souvent le mal d'une époque, d'une génération ou du moins elles incarnent quelque chose de notre société. Le mal qu'il est censé incarné est bien vide tant pourtant les thématiques évoquées dans le film pourraient combler ce manque.
- Le thème de la modernité - celle de la science face au dogmatisme religieux et aux superstitions populaires, celle de la modernité des villes face aux traditions des campagnes, l'occultisme omniprésent mais bien mal présenté à l'image. L'hygiénisme des sociétés modernes également. La ville est d'ailleurs bien moche et aurait pu constituer un personnage à part entière.
- Le thème du conflit générationnel entre ces vieux hommes ne portant de l'intérêt qu'au profit au détriment d'une jeunesse qui cherche à embrasser la stabilité et l'avenir. -Au hasard, l'association du libéralisme économique au fascisme -.
- Le thème de la santé mentale, la mélancolie - la dépression ici - souvent évoquée par Lilly Rose-Depp, pourquoi pas creuser le rapport à la psychiatrie moderne et naissante au 19ème siècle.
- Le thème du rapport homme-femme (sans même mentionner de société patriarcale ou de féminisme) avec des héros hommes qui n'arrivent pas à délivrer leur douce du mal qui les habite. La femme qui sert de sacrifice au mal incarné par la Bête, est-ce bien utile et pertinent ?
Bref tout est évoqué, rien ne sert de fil narratif et directeur et cela se ressent à partir du moment où le professeur Von Franz annonce que le monstre s'appelle Nosferatu (dernière partie du film).
En somme si cette superficialité passait dans The Lighthouse car les deux acteurs portaient le film, cela parait plus compliqué ici.