Ôde au silence et à la lenteur
Après le choc Twilight, film estampillé vampire, je me devais de rendre hommage à une véritable perle du genre. Si l’œuvre tentatrice est un film d’amour épique trop de la balle, le Nosferatu d’Herzog est un pure chef d’œuvre absolu de la mort tuante même s’il n’est pas exempt de défauts. Attention pour les fans de partie de baseball avec des trop gentils et des trop méchants, ce qui va suivre risque d’être violent. Prenons les deux personnages principaux : Isabelle Adjani, toute jeune, campe une femme capable de faire tourner le plus cérébralement frigide des Patkinson en herbe en source de pulsion sexuelle insondable. Avec quelques regards, quelques souffles, peu de mots, elle est simplement envoûtante. Mais il y a mieux : Klaus Kinski. Impossible de le comparer à mister abdo albinos, ce ne serait pas juste : Kinski mérite d’être comparé à un acteur de son qualibre. Comme il y a en a peu, je vais rester sur le fou préféré de Mourousi. Ce Nosferatu est extraordinaire : il campe un personnage aussi inquiétant que touchant, aussi monstrueux qu’humain. Un hymne à la tragédie grecque ou racinienne dans tout ce qu’elle a de beau. Cet amour impossible nous touche, Kinski le sublime. D’un point de vu purement technique, il n’y a pas Muse (et je précise que j’apprécie le groupe), il y a bien mieux : le silence. De longs moments de silence. La musique peut aider à faire passer quelque chose, sublimer, ainsi la séquence initiale de Conan le Barbare du duo Milius/ Poledouris. Souvent néanmoins, la musique sert de cache misère au néant. Là point d’artifice : le silence vous laisse seul avec Kinski. Point de rythme frénétique, mais de longs plans, come ce lever de soleil impensable aujourd’hui (pensez, de longue minutes à voir un soleil se lever …). Et, chef d’œuvre, un monologue terrible (effaçant au passage des dialogues parfois plus basiques voir même mauvais) au cours duquel le spectateur est seul avec la tête de Nosferatu, livide, surgissant d’un néant absolu. Là on plonge dans le ténèbres et Kurtz n'est pas loin.
Techniquement Kerzog rend un très bel hommage à Murnau ; mais outre les acteurs, outre le cinoche pur, reste le message. Twilight en dit beaucoup sur notre société, c’est son seul mérite. Murnau fit de même, avec ces rats symbolisant la peste brune nazie en gestation. Ici le message renvoit à ces années 70 qui voient la crise commencer, à cette phase de fin d’un monde, que subliment les visages éreintés, la lumière fade, nimbée de cendre, de brume.
Un film exigeant, qui dispose de ses défauts (doublage notamment) mais qui doit être vu pour rappeler à tous l’évidence : Nosferatu est un mythe fondateur, faisant du vampire un personnage important de notre imaginaire contemporain et qui mérite d’être traité avec déférence et une certaine ambition dépassant le cadre du touche pipi. Il nous rappelle au moins deux choses : un bel amour, touchant, n’est pas nécessairement mièvre et creux. Il y a plus de tension sexuelle dans la scène finale où Adjani est allongée sur le lit que dans bien des films dont le cul est le thème. Second point, Herzog nous rappelle qu’un film c’est aussi des images, un rythme pas nécessairement frénétique et, aussi, du silence.