Le site est en ligne, vous pouvez désormais revenir à vos activités habituelles. On vous remercie pour votre patience et votre soutien !
(Il est encore possible que le site rencontre quelques problèmes de performance)

À l'approche de la version très anticipée de Robert Eggers, j'ai décidé de me lancer dans une rétrospective sélective de films sur le célèbre vampire. Après la version de Murnau, j'enchainerai directement sur les Dracula de la Hammer sortis entre 58 et 74 que je n'ai jamais vu (pas chaud de me retaper la version soporifique de Browning), puis le Nosferatu d'Herzog avant de finir sur le Dracula de Coppola (que j'aime bien).


J'avais déjà vu le Murnau un peu par hasard il y a bien longtemps et j'en ai gardé un bon souvenir même si je ne l'ai pas revu depuis belle lurette. Bien qu'il ait désormais plus de 100 ans, le film est toujours aussi efficace et prouve qu'il reste une des oeuvres majeures du genre, en plus d'être de facto une pierre immuable à l'édifice si on veut se faire l'exégèse du plus célèbre des suceurs de sang.


Pitch rapide : en 1838, Thomas Hutter, clerc de notaire jouissant d'un mariage heureux avec sa femme Ellen et d'une vie sans soucis dans un petit village, est subitement pressé d'aller en Transylvanie afin de vendre une maison à un certain Compte Orlock qui souhaite s'installer dans le coin. Suite à un long voyage, Hutter est enfin accueilli par le comte, un homme à l'allure et au comportement plus que singuliers, particulièrement en présence du sang.


C'est follement intéressant de voir comment la figure du vampire et ici plus précisément de Dracula a pu évoluer en l'espace d'un siècle, d'autant que ça n'est jamais en ligne droite. Rien que les libertés prises entre le roman de Stoker et cette version méritent un pavé.


On perdrait facilement de vue les facettes qu'un être aussi terrifiant se devrait de posséder pour qu'il puisse à ce point fasciner son monde (ici d'un point de vue intradiégétique), et les oeuvres de Murnau et Browning sont là pour nous rappeler qu'avant d'être une créature surnaturelle que l'on rapproche plus volontiers d'un monstre mi-humain mi-chauve souris, Dracula est surtout un être mystifiant. L'obscurantisme incarné, un type terrifiant, mais qui est avant-tout hypnotique. Une autre forme de beauté à faire peur, de celle qui rend fou.


C'est en cela que je préfère mille fois ce "piratage" avant l'heure de Murnau à la version américain de Todd Browning qui lui succédera presque une décennie après. S'il parvient à insuffler à son film une certaine aura gothique à l'aide de ses grands décors, cette version ne parvient pas à aller au delà des apparences, résultant en un film thématiquement pauvre, visuellement très académique et entaché par un casting peu convaincant. Un proto-exemple des moyens mis par Hollywood au service d'une vision qui n'a qu'un intérêt biaisé pour son matériau d'origine.


Ici, c'est tout l'inverse, d'autant qu'en déménageant l'histoire dans une contrée fictive qui rappelle un paysage plus familier aux spectateurs allemands de 1922, on peut plus facilement y lire cette peur de l'autre qui devait germer dans ces contrées dès lors qu'une figure étrangère s'y installait. Un autre qui serait venu avec quelque chose de néfaste, mais qu'on ne parvient pas à décerner. Il est là, tapis dans l'ombre, tuant et semant la peste.


La musique permet de mettre en exergue ce sentiment d'inquiétude, puisque depuis 40 ans on peut facilement trouver des versions restaurées avec une bande son reprenant au mieux la composition originale de Hans Erdmann. Elle joue un rôle non négligeable dans l'atmosphère, le suspens et la tension dont un tel film a besoin, et elle le fait avec brio tant on se laisse facilement embarquer dans cette heure et demi de "silence".


Elle ne serait cependant rien sans l'inventivité de Murnau pour donner corps à ce récit de la plus belle des façons. Se substituant presque entièrement au mantra "show, don't tell", il nous offre des plans alternant entre la beauté naturelle et vivifiante des landes germaniques et les étouffantes ruelles biscornues dans lesquelles s'animent des personnages hauts en couleurs, avec en tête un Nosferatu globalement toujours très convainquant (pas tout le temps cependant hem). Mêlant méchanceté et malice, il minimise les réactions au profit d'un comportement toujours en décalage, propice à créer un sentiment de stupeur avant de rapidement provoquer l'effroi.

Ce corps, ces grimaces et cette gestuelle sont ensuite intelligemment mises en scènes, à base d'ombres et de formes avec lesquelles les effets expérimentaux de Murnau (sans oublier les filtres de couleurs) ne cessent de jouer pour parachever ce sentiment de cauchemar éveillé.


On accepte alors de plonger corps et âme dans ce monde irréel qui a tant contribué aux lettres de noblesses qu'est l'expressionnisme allemand, qu'on ne citera plus (c'est faux), pour profiter d'un superbe film des sens.

Créée

le 7 oct. 2024

Critique lue 26 fois

1 j'aime

Chernobill

Écrit par

Critique lue 26 fois

1

D'autres avis sur Nosferatu le vampire

Nosferatu le vampire
Sergent_Pepper
8

Angoisse, désir et projections.

Film d’une ampleur et d’une ambition impressionnantes pour l’époque, Nosferatu est un régal visuel. Plongée, contre-plongée, jeu d’ombres, toute la grammaire du film est ici mise en place. Dans un...

le 13 sept. 2013

69 j'aime

4

Nosferatu le vampire
fabtx
9

Pour tous les mordus de cinéma...

En ces temps troublés pour nos amis suceurs de sang, où l'essence-même de cette admirable et effrayante créature est aspirée jusqu'à la moelle par des Draculas du dimanche et autres Robert Pattinson,...

le 26 juil. 2011

58 j'aime

8

Nosferatu le vampire
I-Reverend
10

Interview mit einem Vampir

"Oh comme il m'aurait plu d'avoir mon mot à dire à l'époque ! Mais j'admets que les images sont suffisamment éloquentes, le clair et l'obscur se livrent à une danse silencieuse dont les motifs m'ont...

le 23 juil. 2014

44 j'aime

17

Du même critique

Conjuring - Sous l'emprise du diable
Chernobill
3

Sous l'emprise de la médiocrité - Spoiler alert

Purée cette catastrophe.... Après deux Conjuring de très bonne facture grâce à un réalisateur qui savait quoi faire, quoi raconter et quoi filmer, en voilà une belle chute. Parce que les scénaristes...

le 5 juin 2021

26 j'aime

1

Space Jam : Nouvelle Ère
Chernobill
1

L'Art de ne même pas savoir exploiter la nostalgie

Ben voilà... Presque 25 ans après un film qui n'avait de base pas eu grand chose pour lui autre qu'être une pub déguisée avec des cartoons dedans, Warner Bros tente de redonner un second souffle au...

le 16 juil. 2021

9 j'aime

Dune
Chernobill
8

Valar Morghulis (sic)

Je l'ai attendu avec beaucoup de curiosité ce Dune. Dès les premières images officielles, je sentais que j'allais être comblé. Après tant d'attente, force est de constater que oui : j'ai passé un...

le 15 sept. 2021

7 j'aime

4