Murnau veut adapter Dracula au cinéma, Murnau n'a pas les droits, Murnau s'en balance, Murnau change juste les lieux et les noms, Murnau fait un chef-d’œuvre.
Bon, j'ai regardé le Dracula de Tod Browning il y a pile un mois, Nosferatu bénéficie clairement de la comparaison, mais quand même, quel film ! L'intrigue démarre doucement, suscitant l'attente du spectateur jusqu'à la rencontre avec le vampire. Le traitement du fantastique entourant ce personnage est excellent. Le réalisateur utilise des astuces de mise en scènes très simples mais saisissantes : porte qui s'ouvre toute seule, silhouette qui surgit du noir et surtout, ce lever du cercueil aujourd'hui culte.
Le début jouit donc d'une aura particulière, qui ne faiblit pas quand l'intrigue se recentre sur la ville de Wisborg, bien au contraire. Le film instaure une tension qui ne fait que grandir à mesure que la menace vampirique se rapproche. L'intérêt du spectateur est maintenu jusqu'au dénouement, une scène terriblement orchestrée, au jeux de lumières marquants. Mais globalement tout l'aspect visuel du film est marquant. On ressent tout le travail effectué derrière chaque plan. Murnau y glisse plusieurs éléments typiques de l’expressionnisme allemand (figures géométriques, ombres portées, décors lugubres...) pour créer une photographie exemplaire. De plus, le montage quasi-absent (il ne sert que pour quelques trucages) et la caméra légèrement en retrait de l'action, donnent une sensation de formalité à l'ensemble (dans le bon sens du terme), comme si le réalisateur traitait un sujet sérieux et grave.
En terme d'ambiance, Nosferatu réussit là où le Dracula de Browning a échoué. Mais en plus, le long-métrage de 1922 profite d'un aspect technique solide et d'acteurs à la fois très expressifs et convaincants. La version non-officielle s'en sort haut la main.