Notre pain quotidien, postérieur au krach boursier d’octobre 1929 et à la respective dépression qui s'en suivit, partage avec le précédent La Foule le thème commun de la crise économique, du chômage et de ses conséquences sociales. Or, si les autres ne représentaient que des individus anonymes, fils du capitalisme, dans La foule, ils empruntent ici un rôle diamétralement opposé en formant un tout solidaire et uni dans une seule et même utopie aux échos très communistes.
Voilà d'ailleurs le point relevant du film: après cette déroute innommable du capitalisme, il ose proposer afin de ressusciter l'économie un discours alternatif, et ce dans le pays qui le soutient le plus férocement et qui ne tardera pas à en «chasser les sorcières». Tel est le pari fou de Vidor qui dut, ironie de l'affaire (ou cynisme du système, si vous voulez) faire appel aux banques pour financer librement son film et le tourner sans céder à de quelconques pressions de majeurs hollywoodiennes.
Le résultat est hautement positiviste, avec une humanité retrouvée, pleine de bonnes intentions, mue par un élan collectif inébranlable, dégagée de l'intérêt personnel, dédiée entièrement à la terre nourricière. Toutefois le tout un brin innocent dans la théorie - sans tenir compte des invraisemblances liées à cette si soudaine construction du village, aux moyens de le faire tenir, avec en outre une mise en scène nettement plus plate que dans l'excellent La foule, un jeu d'acteurs plutôt mauvais (surtout en raison de Tom Keene, le protagoniste) et des dialogues du très jeune Mankiewich loin de ce qu'ils donneront plus tard.
Néanmoins, rien que pour la magistrale scène finale, il ne faut pas hésiter à regarder notre pain quotidien, dont par ailleurs le rythme soutenu maintient le public en haleine et le regard plein d'empathie de Vidor nous fait partager le rêve fou de ce groupe redevenu humanité.