Nouvel ordre n'est pas précisément dans le registre où l'on attendait le mexicain Michel Franco, même si le côté social de son cinéma a toujours été prédominant. Mais là, son film est d'une brutalité inattendue, comme un mariage entre Escalante et Cuaron, dans une dystopie qui sème le trouble dans l'esprit du spectateur à mesure que le chaos s'installe à l'écran. Tout va alors très vite, dès qu'un mariage on ne peut plus chic est interrompu par l'irruption d'individus qui ont l'intention de saccager, de voler et de tuer. Si les événements qui se déroulent ne sont jamais dûment explicités, l'idée générale est claire : les inégalités sociales, de plus en plus profondes, ne peuvent déboucher à terme que sur des violences désespérées, suivies d'une remise en ordre, laissant le champ libre à une dictature et à une privation des libertés. L'Amérique latine a connu ce schéma implacable dans le passé mais Michel Franco pousse le curseur encore plus loin, avec une radicalité et une cruauté que d'aucuns ne manqueront pas d'appeler sadisme. Le fait est qu'il est impossible de prendre le moindre plaisir devant Nouvel ordre mais il est tout aussi difficile à oublier après coup, de par sa terrible efficacité et de son avertissement sous-jacent : changez le logiciel de vos sociétés avant que tout ne vous explose en pleine face ! Et ce qui est vrai pour le Mexique, l'est aussi pour une grande partie des pays du monde. Maintenant, il est aussi possible de rejeter en bloc le film en l'accusant de prendre parti pour ceux qui ont aujourd'hui l'argent et le pouvoir. Quoi qu'il en soit, cela donne matière à d'âpres discussions et à divergences d'opinion.