C'est LA dernière pépite du cinéma asiatique qu'il m'ait été donné de savourer.
Rarement le thème du cannibalisme aura été abordé avec un tel mélange de subtilité et d'abomination.
Fruit Chan se lâche et dénonce la concupiscence de cette course à la beauté et à la jeunesse, qu'importe le prix. Ici, il s'avère particulièrement élevé, puisque les raviolis dont la farce est bourré de fœtus humains constitue selon Tante Mei le seul remède de jouvence efficace. En dépit de l'horreur qui a de quoi saisir à la gorge, c'est pourtant bien un film extraordinairement sensoriel que nous offre le long-métrage, souligné par un travail démentiel sur le son, qu'il faut mentionner. Sensoriel, pour :
- Bien évidemment la question du goût, perpétuellement abordée. Oui, une raviole farcie à l'humain peut visiblement être bonne et sublimée par les arômes de chou et de gingembre. Et c'est qu'à force, on arriverait presque à nous convaincre de "goûter, pour essayer".
- Le toucher. La sensualité incarnée en la personne de Bai Ling suffit à nous convaincre : la façon dont ses mains pétrissent, coupent, massent, caressent ou étreignent, ont de quoi filer le vertige.
- L'ouïe : comme dit plus haut, le rendu sur le son est perceptible dès les premières secondes du film, et facilite à lui seul l'immersion dans cet univers gris et froid.
- La vue, là encore par la grâce d'une Bai Ling au sommet de sa beauté et de sa langueur prédatrice, séduisante et dangereuse à la fois.
S'il manque à cette liste l'odorat, cela n'ôte rien à la fascination éprouvée au visionnage. Cruel, dur, bourré de mantras typiquement asiatiques, Nouvelle cuisine est un film réussi, dont les quelques gouttes de "gore" bien dosées rendent crédible ce conte moderne. On retiendra une scène d'avortement particulièrement terrible, et l'aura discrète mais réelle qui embaume dans chaque scène.
Une façon délicate d'aborder le thème de la folie, capable de frapper quiconque joue avec les limites de l'entendement.