On présente ici où là l'année 2022 comme celle du renouveau du cinéma français en ce qu'il ose à nouveau s'emparer du réel et des grands événements qui ont marqués la société, comme le faisaient les papas de l'époque seventies, ou encore le cinéma américain dans son ensemble.
Et l'on vous parlera sans doute dans la foulée de la proximité temporelle de Notre-Dame Brûle, de Revoir Paris ou encore de Kompromat pour illustrer le propos.
Ce serait cependant oublier, alors que l'on se dit cinéphile, les belles tentatives de ce côté-ci du cinéma hexagonal, via Frédéric Tellier, Mathieu Kassovitz, Florent-Emilio Siri ou encore Julien Leclercq. Et faire comme si L'Affaire SK1, en 2015, L'Ordre et la Morale, en 2011, L'Ennemi Intime, en 2007, ou encore L'Assaut (2010), sur un sujet pourtant très voisin de celui de Novembre, n'avaient jamais existé.
C'est que visiblement, le critique et le cinéphile ont la mémoire courte.
Ou sont friands de polémique, allez savoir. Car il ne peut qu'y en avoir avec Cédric Jimenez avec son sale film qui te faisait nécessairement virer extrême-droite ou dévoilait, si tu le soutenais, tes accointances Zemmouro-Le Peno-CNews-esques. Et que cela devait être pareil avec Novembre, avec une dose de dégoût en plus, vu que selon certains commentaires, dont les auteurs n'avaient pas vu le film, c'était dégueulasse de faire revivre aux victimes leur souffrance.
Manque de bol, la seule polémique qu'aura charrié Novembre, c'est le port d'un voile romancé. Une pseudo polémique qui fait pschitt. Merde alors.
Reste dès lors de Novembre, une fois débarrassé de ces deux aspects tout aussi artificiels que fantasmés, un film de traque représentant les attentats funestes du 13 novembre en ombre chinoises, sans jamais le rejouer à l'écran, sans jamais virer au film d'action.
Novembre, ce sont des bureaux on fire alors que la sidération s'empare des écrans, avant que les carnages ne soient mis en images traumatiques.
Novembre dessine une course contre la montre ramassée sur les quelques jours de la traque des terroristes survivants, sous la menace impalpable d'une deuxième vague d'attentats encore plus meurtriers.
Cédric Jimenez adopte le point de vue de ceux qui, malgré le terrible choc, vécu comme un KO debout, organisent la traque, investiguent, tentent de remonter les traces des assassins et de tirer tous les indices possibles du plus petit renseignement. Soit, comme dans BAC Nord, celui d'une police en ébullition.
Et ainsi, loin d'une catharsis qui aurait eu tout du hors-sujet, Cédric Jimenez réussit à conserver, de la première à la dernière image, une sacrée tension fondée sur l'action dans laquelle s'inscrit chaque personnage du récit. Duquel se dégage un extraordinaire duo féminin dessiné de chaque côté de la barrière policière.
Car sous les yeux d'Anaïs Demoustier, c'est toute une idée du devoir et de la police infaillible qui se fane au gré des errements, des erreurs, de la mauvaise circulation de l'information, du manque de moyens criant et de flottements politiques quant à l'appréhension de la question terroriste en lien avec l'islamisme radical.
Car sous les yeux de Lyna Khoudri, c'est toute une idée de la citoyenneté qui se retourne contre elle, des soupçons qui la font passer de témoin à complice ou coupable potentielle. Dont la confiance est abusée puis trahie. Avec un tel portrait croisé, c'est toute l'impuissance et les limites de l'institution qui sont portées à l'écran, à l'image de cet affrontement final qui ne peut que prendre la forme d'une fuite en avant.
Ainsi, débarrassé tant des polémiques que de ses problèmes de rythme récurrents dans ses oeuvres, Cédric Jimenez livre avec Novembre son film le plus efficace et épuré.
Behind_the_Mask, assaut périlleux.