Séduit par le remarquable Peppermint Candy du même Lee Chang-Dong, c'est avec un enthousiasme mêlé d'appréhension que je me suis tourné vers Oasis, tant le thème traité est des plus difficiles. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Oasis dresse un portrait peu reluisant de la situation des handicapés dans la société coréenne. De bout en bout on sent que Lee Chang-Dong a écrit ce film avec ses tripes, comme un cri d'alarme étouffé empreint d'un dégoût profond pour ce qu'il est en train de dépeindre. Le réalisateur prend le parti de déranger, de mettre mal à l'aise, pour éveiller les consciences d'un pays qui, enfermé dans son confucianisme et ses codes sociaux très stricts, s'est trop longtemps voilé la face sur le sort réservé à ses citoyens les plus vulnérables.


Ce parti pris s'exprime au travers d'une mise en scène brute, sans artifices ni concessions, semblable à celle d'un documentaire. On est plongé dans le quotidien glauque de Jong-Du, un déficient mental marginalisé à peine sorti de prison et déjà mis au ban par sa famille, jusqu'à sa rencontre avec Gong-Ju une handicapée moteur et cérébrale elle aussi délaissée par sa famille. A aucun moment le réalisateur ne cherche à nous épargner, tous les détails jusqu'au plus sordide sont montrés et la violence psychologique omniprésente dégagée par le film est oppressante au point d'en devenir par moments insoutenable. Le réalisateur se montre également très corrosif envers le monde des valides, et notamment ceux de l'entourage proche des deux protagonistes, mettant à jour à la fois leur étroitesse d'esprit, leur égoïsme, leur hypocrisie et leur lâcheté et dépeignant de manière très pessimiste la perception du handicap dans son pays.


Oasis est un drame humain poignant qui a le mérite de mettre en lumière de manière sobre et brillante les laissés pour compte du miracle coréen. La performance des deux acteurs principaux est absolument extraordinaire, bien que le film aurait eu encore plus de poids s'il avait été interprété par des personnes réellement handicapées. Ce film aura valu à Lee Chang-Dong d'être nommé Ministre de la Culture.

Gomdoli
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le 13 oct. 2016

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