1968 : 2001 : L'Odyssée de l'espace sort au cinéma, la référence ultime de la science-fiction est née. Que l'on aime ou pas, le fait est là : un vaisseau blanc voguant dans l'espace, esthétique moderne et épurée inspirant le IPad, intelligence artificielle qui contrôle le sort des pauvres humains; tant d'éléments qui sont aujourd'hui incontournables. Oblivion n'échappe pas à la règle et montre un brassage en 124 minutes de tout ce qui c'est fait jusqu'alors. Dans un monde apocalyptique où Jack Harper (Tom Cruise) et Victoria (Andrea Riseborough) doivent emmagasiner l'eau de la Terre pour rejoindre les derniers survivants de l'espèce humaine, aujourd'hui exilés sur Titan après un combat contre des extra-terrestres qui a détruit notre planète. Désormais seuls sur Terre, Jack rêve d'une vie lointaine, bien avant la guerre, où une femme (Olga Kurylenko) hante ses pensées. Jusqu'au jour où celle-ci tombe sur Terre, dans un caisson de survie... À la tête de ce block-buster, Joseph Kosinski, qui s'était révélé il y a deux ans avec Tron : L'héritage, où l'intérêt était manifestement plus porté sur les effets spéciaux que l'histoire, peu originale. Alors, M. Kosinski a-t-il apprit de ses erreurs ?
De l'œil des drones emprunté au Hall 9000 de 2001 : L'Odyssée de l'espace à l'esthétique noir et blanc du passé venant de La Jetée, Oblivion fait partit des nouveaux films hollywoodiens, nostalgique au plus haut point de sa gloire antérieure. Pour incarner le héros : Tom Cruise, l'ancienne star de Minority Report et de La Guerre des Mondes. Cet acteur prend Jack Harper pour en faire sa deuxième peau, exilant au passage une Olga Kurylenko qui se retrouve au rang de la figuration, tend elle est ridicule dans un rôle qui malheureusement est très caricatural. C'est la bonne femme qui attend tendrement son chéri dans le chalet et l'enlace quand il rentre victorieux.
Tout l'intérêt d'un block-buster est d'en faire à la fois un film divertissant, mais aussi intelligent, ne pas tomber dans la simple gerbe d'explosions digne des plus grands Michael Bay, ni dans l'intellectuel du Terrence Malick incompris. Oblivion n'est pas aussi bas que Transformers, mais il tient plus de l'explosion que de la réflexion, chose que l'on pouvait déjà reprocher à Tron : L'héritage : une petite tape visuelle, mais rien pour soutenir le tout. Le résultat donne un film assez creux, où l'on attend désespérément l'élément déclencheur qui va enfin sortir Jack Harper de son petit jeu de cache-cache avec les monstres. Pour camoufler cette attente, Joseph Kosinski a la brillante idée de masquer le tout d'une bonne série de plans ahurissants, musique explosante et effets spéciaux à l'appui. Autant dire qu'un simple décollage matinal devient très vite un concert de Beyoncé au Super Bawl.
La science-fiction a toujours était liée aux progrès techniques. Son big-bang est lancé par le premier Tron, le premier à utiliser des effets numériques. Il est tout simplement dommage qu'Oblivion ne repose que sur ceux-ci. Car le fait est que Kosinski n'est pas un conteur. Oblivion n'est là ni pour émouvoir, ni pour provoquer aucun autre sentiment que celui du spectaculaire, et certaines images du film sont plutôt impressionnantes, comme l'intérieur minimaliste du Tate. Le point fort d'Oblivion est sa technologie, en parvenant à faire un mélange assez réussi entre science-fiction propre, et même Steve Jobsienne (le monde de Jack Harper), et science-fiction sale proche de l'univers de Matrix (l'univers des insurgés). Cette esthétique, bien que déjà vue et pouvant certainement être mieux faite (on sent venir un certain Élysium de Neill Blomkamp), tout ces artefacts donne sa vision propre au film, la petite touche qu'Oblivion apportera au genre.
La science-fiction fait aujourd'hui fureur, et tout le monde veux s'y risquer. Joseph Kosinski, malgré un scénario plus construit et intéressant que Tron : L'héritage (fini les logiciels qui vont s'éclater dans un bar à logiciels), reste un simple créateur d'effets spéciaux. Si ces décors à lui sont bien incrustés, et ses vaisseaux d'un grand réalisme, on se demande parfois où il veux en venir, aboutissant sur la fameuse réflexion "Tout ça pour ça ?!". Oblivion recèle pourtant plusieurs surprises, peut-être trop pour les non-initiés du genre, qui parviendront soit à maintenir le public en haleine jusqu'à la fin, soit le fera dormir dès l'introduction d'une lourdeur assez impressionnante. Sortant de justesse du simple fan-service à 2001 : L'Odyssée de l'espace, la plupart des références aux films du genre restent assez bien exploités, de Mad Max à Wall-E, un univers tellement riche qu'il l'est parfois trop. Oblivion est une lettre d'amour à la science-fiction qui, sans être novateur, vaut ce qu'il vaut : un bon film à grand spectacle.
Pierrick Boully