Le voisinage d’un congrès d’exploitants américains de pornographie aurait donné à Georges Lautner, le réalisateur, et à Francis Weber, le scénariste, cette idée d’une comédie s’immergeant dans ce milieu au lever de jambe facile.


On y retrouve ainsi Pierre Richard dans le rôle de François Perrin un peu gauche mais déterminé à réaliser son premier film. Il travaille comme photographe de publicité, mais cadrer les produits alimentaires sous leur meilleur profil ne lui procure pas la satisfaction nécessaire. Il est encouragé par sa femme Christine, jouée par Miou-Miou, comédienne, à se lancer dans l’aventure. Il a un scénario déjà prêt, écrit par son ami Henri (Henri Guybert) mais le marché est bouché. Il n’y a qu’un seul homme prêt à accepter, Bob Morlock, interprété par un Marielle en grande forme. Mais il faudra le transformer en film pornographique.


François accepte, un peu trop vite emporté par les arguments de Morlock. Le scénario est réécrit, il sera très explicite et son nouveau titre l’est tout autant, La Vaginale. Miou-Miou refuse que Pierre s’engage dans ce film, elle est prête à jouer dedans pour lui montrer que ce n’est pas pour lui ce genre de projets. Tous deux s’entraînent dans un jeu de cons, comme ils disent. Henri, monté à la capitale, va vite découvrir que la tournure prise par son petit bébé de scénario ne lui convient pas, d’autant plus qu’il a impliqué la famille de ses employeurs dedans. François doit s’extirper de ce bourbier, mais ce ne sera pas si facile.


Avec un tel sujet, l’équilibre peut être difficile à trouver entre la farce grotesque et la plaisanterie habile. Il assume une certaine vulgarité, notamment dans certains dialogues crus utilisés pour choquer à peu de frais, mais la pincée est bien dosée. L’effet est bien utilisé pour montrer toute l’exagération des possibilités de ce milieu. Quelques nudités apparaîtront à l’écran, mais sans jamais verser dans l’excès facile. Différentes situations s’imposeront d’ailleurs à François, comme tout bon réalisateur de tel film, avec les auditions nues ou la prise de photographies d’exploitation. Le gentil mais lâche personnage central fait ce qu’il peut pour accommoder ce qu’on lui demande, tout en essayant de botter en touche, mais Morlock est toujours présent pour faire avancer la production. 


Le film fonctionne beaucoup sur la gêne de ses personnages, et en même temps du spectateur, confrontés à un milieu sûr de lui, inconscient ou presque de ses outrances, qui fonctionne à sa manière, presque sereinement. La description de ce monde n’est pas avilissante, il est composé d’adultes consentants, mais dont la moquerie n’est pas absente, elle est même croustillante. Il y a bien sûr toutes les possibilités des titres de films X, entre accroches directes et jeux de mots foireux (dont cet admirable livre avait déjà compilé une bonne partie des éclats de génie du X), mais aussi d’autres mécanismes qui seront le sujet de plaisanteries, à l’image du choix du premier rôle mâle. L’une des meilleures scènes est probablement la projection de bobines X à François, un peu penaud de ne pas tout bien saisir ce qu’il s’y passe, un grand moment entre Pierre Richard et Jean-Pierre Marielle.


Toute l’histoire avec Christine est importante, mais elle a parfois du mal à prendre, l’échange incessant d’amabilités ou de provocations entre les deux vire parfois à l’ennui agacé. Mais le personnage de Miou-Miou est assez intrigant, prête à donner beaucoup d’elle-même pour que celui de Pierre Richard ne perde pas ses valeurs. Son audition est un des moments les plus tendus du film, où l'on perçoit une certaine amertume et en même temps beaucoup de tristesse. Elle a un côté malicieux et fragile, dont la précarité est assez bien rendue par l’actrice. Pierre Richard retrouve un personnage assez maladroit, un peu lâche, les moments les plus sombres ou les plus intimes lui échappent un peu, quel dommage. L’acteur a tout de même beaucoup apprécié ce rôle, l’un de ses préférés (mais il l’avait déjà dit pour Un nuage entre les dents, que je vous recommande).


Et puis il y a un Jean-Pierre Marielle saisissant en pornocrate des années 1970, un homme d’affaires mais avec une (petite) conscience, le fruit n’est pas véreux, ou du moins pas entièrement. Il est sûr de lui, il est dynamique, c’est un fonceur. Morlock n’est pas un mauvais bougre mais gare tout de même à qui voudrait l’empêcher d’aller au bout de son projet. Marielle est majestueux, tour à tour dans la confidence ou la menace, c’est un manipulateur né. Sa voix chaude et entraînante peut faire accepter n’importe quel argument.


D’autres acteurs constituent la deuxième vague des rôles du film, et Georges Lautner a d’ailleurs puisé dans le talentueux café-théatre Le Splendid, décor de quelques scènes, alors qu’il n’est ouvert que depuis deux ans à la sortie du film. Quelques acteurs ont des petits rôles, avec Gérard Jugnot un peu plus en avant en tant qu’assistant de Morlock.


Avec Georges Lautner aux commandes, les craintes possibles d’une éventuelle comédie désolante à la française, plus vulgaire que drôle, sont dissipées. La direction d’acteurs est bonne, et on peut souligner aussi certains plans qui ne manquent pas d’intérêt, comme le cocasse de la projection de bobines ou la poésie de la dernière scène, qui vient « laver » le couple de leurs errements. Mais il y a aussi ce sens du rythme, serein mais qui avance toujours, sachant créer une véritable attente autour des défis du film. Il y a peut-être un relâchement à la fin, quand le tournage doit se faire, c’est un peu trop long et hésitant, mais dans l’ensemble il y a un certain sens pour capter notre attention, assez réussi.


Le milieu de la pornographie française était en plein essor dans ces années, facilité par un assouplissement des réglementations et une certaine liberté des mœurs. Un véritable phénomène de société dont il aurait été dommage de ne pas tirer le sujet d’un film, la façon de faire ayant bien changé, le spectateur moderne s’en amusera. Le film de Georges Lautner et Francis Weber est parfois provocant, mais c’est véritablement sa délicieuse plaisanterie qui en fait tout le sel, aidé il est vrai par des personnages assez bien mêlés à ce sujet.

SimplySmackkk
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le 22 sept. 2020

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