On en verra bien d'autres et des pires

Un film de Georges Lautner datant de 1976 avec Francis Veber au scénario et aux dialogues.

Francis Veber y met en scène un François Perrin. On a donc droit à un héros maladroit, qui met les pieds dans les plats et prend des décisions pas forcément adaptées mais qui n'est pas un héros loser, ridicule comme il le serait s'il s'était appelé François Pignon.

Là, la trame du scénario se veut une (petite) satire de l'industrie cinématographiques des années 70 où le cinéma porno prenait de l'ampleur et, comme il est dit judicieusement au cours du film, tellement rentable que même un chef d'entreprise (avisé) peut être tenté d'y placer un peu de pognon.

Le scénario ironise sur les difficultés ou l'impossibilité de lancer un film qui raconterait une gentille histoire romantique et platonique. Ce qui était l'ambition d'un jeune réalisateur (Pierre Richard) pour son premier film. Le seul financement possible qu'il parvient à trouver, c'est auprès d'un producteur sans scrupules (JP Marielle) à la condition qu'on retravaille le scénario pour en faire un film cochon. Ce qu'il finit par accepter au grand dam de sa copine (Miou-Miou).

Le film correspond à un contexte précis qui, si on ne le prend pas en compte, risque bien de paraitre ridicule et de louper sa cible au spectateur actuel. En effet, Mai 68 avait beau avoir transformé la société, les gens n'abordaient pas si facilement que ça les sujets relatifs au sexe en public. Le film "Emmanuelle", datant de 1974, n'était pas du tout pornographique et avait pourtant secoué tous les Landerneau français. Ici, la scène assez jubilatoire devant le cinéma où Miou-Miou provoque Pierre Richard reste assez crédible dans ce contexte avec les gens dans la rue qui font semblant de ne pas entendre mais qui n'en perdent pas une miette, trop contents de distiller des mots salaces (imagés) et de réveiller leur libido. Aujourd'hui, je pense que la même scène provoquerait au mieux des ricanements, sinon des haussements d'épaules voire carrément du mépris.

Le casting du film est très bien équilibré autour du couple Pierre Richard/Miou-Miou et donne tout son sel à la mise en scène.

Pierre Richard est pas mal dans son rôle du jeune réalisateur qui veut sortir de son enfer publicitaire pour enfin réaliser un premier film mais qui ne mesure pas le poids ni la portée de sa décision en acceptant le marché avec JP Marielle.

Le rôle que joue Miou-Miou n'est pas aussi négligeable qu'on pourrait le croire au premier visionnage à travers son jeu mutin voire même nunuche. Elle est la conscience du film et exprime clairement le risque du cinéma et des cinéastes de perdre leur âme du fait de compromissions. Les larmes d'humiliation lors de son audition (avec un texte des "femmes savantes"…) sont, d'une certaine façon, un message…

Jean-Pierre Marielle est excellent dans le rôle du producteur pour qui le cinéma doit d'abord être rentable. Sa faconde pour emballer son client et l'amener à ses propres vues, est inégalable et savoureuse…

D'autres acteurs pimentent agréablement le film comme celui interprété par Henri Guybet dans le rôle du scénariste romantique ou celui de Sabine Azéma dans le rôle de la jeune fille maladivement timide. Renée Saint-Cyr est impayable en patronne BCBG, très sensible à la rentabilité effarante d'un film porno.

Au final, je ne saurais pas dire si le film a vieilli ou pas. Ce qui importe c'est de le voir avec les yeux de 1976 dont je me rends compte aujourd'hui à quel point ce temps est révolu sur nombre de sujets. Il faut d'abord voir ce film comme une comédie de divertissement bien servie par une distribution efficace sur un scénario astucieux.