Alain Resnais a toujours varié les plaisirs, se distinguant par des influences diverses, allant d'HP Lovecraft sur Providence (1977) à la bande-dessinée avec I want to go home (et tous ses projets d'adaptations avortés tels que "L'île mystérieuse" ou "Mandrake"). Cela se confirme encore une fois avec On connaît la chanson, écrit par le duo Agnès Jaoui - Jean-Pierre Bacri déjà à l'origine de son dyptique Smoking / No smoking (1993).
Le concept se révèle assez farfelu : un film choral où plusieurs passages de dialogues sont remplacés par des chansons bien connues jouées en playback par les acteurs. Imaginez André Dussollier s'imaginant dans la garde républicaine en chantant Vertige de l'amour (Alain Bashung, 1980) et vous aurez déjà une image du délire global du film. D'autant que le choix des chansons s'avère varié avec du Gilbert Bécaud, Johnny Hallyday (Dussollier décidément en feu), Serge Lama, Léo Ferré, Eddy Mitchell, Téléphone ou Serge Gainsbourg. Le délire du playback aurait pu être ridicule au bout d'un moment et pourtant Resnais rend les interludes musicaux amusants à regarder.
D'autant plus qu'ils correspondent parfaitement aux tempéraments et pensées des personnages. Comme les anciennes relations entre Bacri et Sabine Azéma ou Pierre Arditi hésitant de plus en plus à quitter Azéma avant de s'arrêter net. Sans compter le Résiste de France Gall (1981) qui n'en devient que plus évident avec Agnès Jaoui au bord du gouffre. Puis on se demande à chaque fois quelle chanson va passer à la casserole et la surprise n'en est que meilleure.
Les acteurs se donnent à fond pour donner cœur au concept. Le film s'articule sur divers personnages : Bacri est hypocondriaque et son mariage semble au point mort ; Arditi ne sait plus quoi faire avec Azéma, plus préoccupée à l'idée de trouver un appartement ; Jaoui est amoureuse d'un type dont l'employé est amoureux d'elle. Un chassé-croisé tantôt très fun, souvent romantique, parfois triste, quelques fois explosif (Azéma qui apprend les raisons du prix de l'appartement est un grand moment de rigolade).
Un grand cru du réalisateur qui s'est imposé aux Césars (sept dont meilleur film), en plus d'être un beau succès en salles (2,6 millions d'entrées).