Attribuer une note parfaite n’est jamais une mince affaire. Pourtant, Once Upon a Time... in Hollywood de Quentin Tarantino semble la mériter pleinement, tant il parvient à ressusciter avec un éclat rare l’atmosphère de Los Angeles en 1969. Ce voyage dans le passé, presque palpable, est une prouesse technique et artistique qui s’impose déjà comme un jalon dans l’histoire du cinéma.
Tarantino, l’un des derniers véritables auteurs d’Hollywood, dispose d’une liberté créative précieuse qu’il met à profit pour donner vie à ses fantasmes visuels et narratifs. Sa mise en scène est exceptionnelle, chaque plan regorgeant d’un soin méticuleux. Le montage alterné, en particulier, est utilisé avec une virtuosité remarquable, créant des enchaînements mémorables. Certaines scènes, notamment celles consacrées à Rick Dalton, restent gravées en mémoire. Tarantino joue avec la frontière entre réalité et fiction, nous perdant dans un entre-deux fascinant. Même les trajets en voiture, habituellement anecdotiques, deviennent ici des moments d’épure cinématographique, rappelant les plans contemplatifs de The Model Shop de Jacques Demy, un film qu’il a d’ailleurs montré à son équipe avant le tournage.
La bande-son, exclusivement intradiégétique, est une réussite absolue. Elle nous plonge littéralement dans l’année 1969, nous transportant sur la banquette arrière aux côtés de Rick Dalton et Cliff Booth. Chaque visionnage révèle de nouveaux détails, des subtilités qui enrichissent cette fresque nostalgique et pleine de sensibilité.
L’adjectif « mélancolique » revient souvent pour décrire ce film, et à juste titre. C’est une déclaration d’amour au cinéma, aux années 60, et à une certaine innocence perdue. Cette nostalgie prend corps à travers Sharon Tate, interprétée avec une douceur lumineuse par Margot Robbie. Sharon n’est pas simplement un personnage : elle est l’incarnation d’une époque insouciante. Son destin tragique, que l’on connaît tous, enveloppe le film d’une tension poignante. Dès sa première apparition, une émotion vive s’impose, nourrie par la conscience inéluctable de ce qui pourrait arriver.
Pour moi, Sharon Tate dépasse son statut d’icône : elle est une figure angélique, comme Tarantino a choisi de la représenter. Découvrir Sharon à travers The Fearless Vampire Killers (Le Bal des vampires), m’avait profondément marqué, et revoir Margot Robbie lui rendre hommage ici m’a bouleversé. Chaque scène où elle apparaît est empreinte de tendresse et de respect, comme un souffle d’espoir suspendu dans le temps.
Lorsque la fin s’est approchée, je m’étais résigné à revivre cette tragédie. Et puis, un miracle : Tarantino réécrit l’histoire. Sharon Tate survit, et avec elle, l’innocence triomphe. Ce simple échange à l’interphone, où sa voix résonne doucement, m’a ému aux larmes. Ce moment d’une simplicité désarmante est l’un des plus touchants que j’ai pu vivre au cinéma.
La conclusion, bien que traversée par une violence cathartique, touche profondément. L’espace d’un instant, la réalité se dissipe, laissant place à un rêve où le mal est vaincu. C’est là tout le génie de Tarantino : offrir une échappatoire, une utopie éphémère qui célèbre la beauté et la liberté d’un âge d’or révolu. Once Upon a Time... in Hollywood dépasse son statut de film : c’est une ode vibrante, à la fois nostalgique et lumineuse.