Honnêtement, j'ai même été surpris d'aimer autant...
Certes, j'avais beaucoup apprécié "Drive", comme une majorité de spectateurs, mais j'avais bien conscience que Refn avait choisi de prendre le public à contre-pied cette fois-ci, intensifiant sa démarche de cinéaste formaliste voire déceptif.
Les qualités et défauts de son précédent métrage sont ici exacerbées, avec pour commencer une esthétique toujours hyper soignée : photo (signée Larry Smith, qui a travaillé avec Kubrick), science des cadrages et composition des plans, bande originale (toujours l'œuvre de Cliff Martinez), décors, costumes... Tout est mis en exergue dans "Only God Forgives" pour caresser la rétine.
A contrario, le scénario minimaliste et les dialogues rares de "Drive" apparaîtraient presque touffu et verbeux par rapport à ce que Refn propose dans "OGF"!
Encore une fois, ce que le film raconte n'a pas tant d'importance que comment il le raconte, rappelant de ce point de vue une autre bobine exotique sortie en 2013, violente et colorée : l'étonnant "Spring Breakers" d'Harmony Korine, dont le scénario tenait lui aussi sur une feuille de papier à cigarette, et parvenait pourtant à être passionnant.
J'évoquais à l'instant la violence, omniprésente dans "OGF" : réelle ou symbolique, hors-champ ou plein cadre, matérialisée notamment par un démon au visage replet, bras armé de la justice divine dans les rues de Bangkok (Vithaya Pansringarm, à la présence spectrale).
Certaines séquences de torture ou d'amputation pourront sembler insoutenables aux âmes sensibles, même si Refn esthétise toujours cette violence latente.
Le héros de "OGF" est à nouveau interprété par Ryan Gosling, plus mutique et élégant que jamais, mais cette fois le beau gosse n'a pas le beau rôle, incarnant un personnage de fils maudit rabaissé par une mère castratrice, interprétée avec un charisme incroyable par la quinquagénaire Kristin Scott-Thomas, qui n'a probablement jamais été aussi sexy.
Au final, Nicolas Winding Refn nous offre une œuvre contemplative à la beauté plastique incontestable, qui a déconcerté une partie du public par son symbolisme et son minimalisme scénaristique.
Variation sur le thème d'Œdipe, ce film hypnotique exige un état d'esprit adéquat pour le savourer pleinement, sous peine de passer à côté de sa dimension métaphysique, et de ne retenir que son aspect poseur voire prétentieux.