Ce film, je l'ai vu une fois. Mais c'est insuffisant. Raison pour laquelle j'y retournerai encore, et encore, et encore. C'est simplement trop beau, trop dense et trop intense pour que le spectateur puisse en saisir tout le génie, toute la poésie, toute la matière dès le premier visionnage.
Il y a la musique, envoûtante, entêtante, enivrante, qui nous berce et qui nous pénètre, qui nous accompagne avec les personnages, seuls, la nuit, dans les rues dévastées et désertes d'un Détroit sublimé.
Il y a les dialogues, jamais gratuits, toujours mesurés, toujours à double sens voire à triple sens, qui nous questionnent, qui nous font réfléchir, voyager, qui nous hypnotisent, nous amusent parfois, nous émeuvent, nous cultivent, nous instruisent, nous fascinent par leur simplicité et leur complexité, leur concrétude et leur hermétisme magique.
Il y a la photo, les plans, les cadrages, les éclairages, les lumières, le montages, les effets de style, qui nous submergent, nous subjuguent, nous aspirent, nous happent, nous hantent. La caméra tourne, on tourne avec elle ; les étoiles brillent, on brille avec elles ; les personnages s'aiment, on les aime aussi ; ils se promènent, on les suit, lentement, comme attirés par une force inexplicable, qui nous entraîne dans le mouvement.
Il y a le rythme, tellement parfait qu'il nous trouble, il nous fait vaciller avec ces deux héros incertains, qui sont présents sans vraiment l'être, et dont le tourment nous envahit progressivement.
Il y a les acteurs, qui sont juste magnifiques, romantiques, parfaits, beaux, doux, touchants, terriblement séduisants et attractifs, et étrangement intemporels.
Il y a le film dans sa globalité, qui se nourrit du vide que l'on ressent lorsqu'on a erré trop longtemps, pour venir le sublimer et le magnifier, raison qui me pousse à dire que Jim Jarmusch est définitivement un alchimiste éclairé, puisqu'il nous livre, après "Dead Man", le deuxième chef d'oeuvre de sa carrière, où la mélancolie nous empoigne doucement pour nous faire découvrir les merveilles de l'Art, de la création, seul moyen de donner un sens à une existence que l'on nourrit trop souvent de rien.
Une expérience comme "Only Lovers Left Alive", ça ne s'explique pas, ça se vit, ça se ressent au plus profond de soi, ça retourne l'âme et ça fait rêver.