Je ne savais franchement pas quoi attendre du dernier essai de Jim Jarmusch, "Only lovers left alive", tant les avis semblaient faire le grand écart entre branlette bobo et sublime poème évanescent. Mon avis après visionnage du bouzin se situerait finalement quelque part entre les deux.
Relecture rock'n'roll autour du mythe du vampire, "Only lovers left alive" demandera beaucoup d'effort à son audience, tant il instaure une ambiance languissante tout du long, apte à endormir un étudiant en psycho qui n'aurait pas eu sa dose de caféine. La faute principalement à une absence de véritable intrigue, le scénario, bourré d'idées intéressantes mais trop peu développées, se contentant de montrer deux êtres androgynes philosopher sur le passé, sur les génies perdus et à écouter des vinyles pendant deux heures.
Oui mais voilà; ces deux amants perdus sont interprétés par Tilda Swinton et Tom Hiddleston et cela fait toute la différence, le couple bouffant littéralement la caméra à chacune de leurs apparitions (autant dire tout le temps), composant des personnages infiniment touchants. Autour d'eux, gravitent des seconds rôles sympathiques mais pas assez exploités pour retenir définitivement l'attention.
Ensuite, la caméra planante de Jarmusch parvient par instants fugaces à palier la manque d'écriture en créant une atmosphère évanescente et réellement planante, au détour d'une poignée de plans à l'étrange beauté mortifère et d'une bande originale incontournable. Ce qui procure au film un certain effet hypnotique, à condition toutefois d'être dans le trip.
Bancal, abscons, parfois chiant et pouvant paraître un brin prétentieux, "Only lovers left alive" est un étrange objet aussi précieux que déroutant, un poème funèbre et crépusculaire sur le temps qui passe, tirant merveilleusement parti de la ville meurtrie de Détroit et posant un regard plein d'amour sur ses personnages et sur la musique que les fait vibrer, qui leur donne envie de rester en vie encore un petit instant, avant de rejoindre le néant.