Jim Jarmusch a véritablement un don pour prendre son spectateur et le promener avec lui dans des voyages hallucinés, des univers complètement décalés mais en même temps si familiers. Dead Man en est un exemple flagrant, avec l'errance de son personnage, Down by law, dans un monde plus réel et réaliste produisait le même effet.
Ici, c'est un véritable voyage psychédélique et enivrant.
Le thème des vampires est particulièrement dangereux, si mal traité. Des exemples existent nombreux, certains nous viennent directement en tête, nous éviterons ici d'en parler.
Des vampires, oui, mais qui n'ont que rarement été aussi humains, aussi proches de nous. Car ce ne sont en effet que des images de nous-mêmes, allégories pour mieux critiquer et observer notre société. Le vampire est, tout comme nous simples mortels, touché par l'amour, un amour qui est très puissant, complètement magnifié par ce couple qui se connaît par cœur, comme si ils étaient une seule et même entité, malgré la séparation due à la distance.
Jarmusch prend le temps de nous emporter dans cet univers particulièrement sombre, teinté de mélancolie. Les références sont nombreuses, que ce soit à la littérature anglaise (Marlowe, Lord Byron...) ou même aux musiciens américains contemporains (Chet Atkins ou Jack White pour ne citer qu'eux).
Chaque plan est splendide, soutenu par une atmosphère maîtrisée de A à Z, tant par les décors que par la photographie.
La soeur de Eve (la femme du couple principal) vient, au milieu du film, déranger la continuité du récit, semblant être le rebondissement qui va tout faire changer. Après cette immersion inattendue de Ava, le couple doit combattre main dans la main et affronter la dure réalité, pour terminer sur des scènes magnifiques : autour d'un vieil ami chancelant, ou côtes à côtes au bord du gouffre, avant de nous laisser échapper un dernier sourire sur le plan qui précède le générique de fin.
On ne peut bien sûr pas oublier la bande son, on connaît Jarmusch qui est expert en la matière. La bande originale composée par Jozef van Wissem, n'est pas sans rappelé celle de Neil Young pour Dead Man, à savoir de longues nappes guitares formant un ensemble qui transporte l'auditeur au delà de l'image.
Un film à voir, à savourer même, tant que l'on se laisse transporter par son auteur.