Entrer dans un film de Jarmusch en contemplant tour à tour une Supro, une Hagstrom, une Silvertone (ampli dans le flycase !), une Gretsch modèle Chet Atkins et une vieille Gibson’'she' de 1905, constitue la plus douce des entrées en matière.
Entrer dans un film de Jarmusch, de toutes façons, c’est pour moi depuis longtemps un délicieux moment. Jim, c’est un peu le genre de mec dont on accepte tout à priori, parce qu’il a une classe instinctive et quasi-infinie, il est le mec dont les choix artistiques sont le plus souvent aussi peu attaquables qu’un refus net et poli de Vladimir Poutine.
On se sent aussi bien dans un film de Jim que chez un pote qui nous éblouit par sa culture mais qui n’en fait pas des tonnes, qui reste accueillant et chaleureux et vous offre toujours ses meilleures bouteilles. On aime son humour décalé, son esthétisme classieux. On aime même jusqu’à son rythme nonchalant.
C’est quand même pas pour rien qu’un de ses films trône fièrement tout en haut de mon top 10, non de non !
(Me sentir si viscéralement en osmose avec le réalisateur pose d’ailleurs question: soit c’est moi qui suis beaucoup plus déviant que ce que j’imagine, soit, mais c’est une solution que je réfute en bloc, Jim est bien plus sage qu’il n’y parait)
Se mettre en grand Tanger
Conquis ou non par ce nouvel exercice, force est de reconnaître que Jarmusch continue à prendre des risques, même si on peut, dans le même temps, reprocher à cette histoire de vampires quelques imperfections, parfois peu dignes du maître. Cette idée que les immortels aient côtoyé quelques-uns des grands artistes des derniers siècles peu sembler un poil étirée tout au long du récit, passé un premier Eddie Cochran (…sur youtube) assez jouissif.
On peut aussi se demander comment un compositeur qui aurait donné à Schubert une de ses sonates pourrait, 200 ans après, produire un rock aussi atone, même si un envoûtement latent affleure.
La dépression n’explique pas tout, que diable !
Le plus vénéneux Detroit.
Car c’est bien la que le bât blesse un peu: d’une histoire qui pourrait prendre une dimension étourdissante, on tombe parfois dans des obsessions Jarmuschienne un peu trop évidentes. Ce sentiment d’ambivalence ne disparait jamais tout à fait, bercé par une indolence morbide pas désagréable, mais pas complètement passionnante non plus.
Mais il serait criminel avec tout ça, de passer à côté de l’essentiel. Jarmusch sait comme peu de ses coreligionnaires filmer une ville la nuit, certaines scènes sont foudroyantes de beauté rock.
Sans oublier cet humour singulier qui ne cesse de baigner chaque dialogue.
En fait, un plan, résume parfaitement le génie habituel de l’américain: un lent travelling suit les courbes titanesques de l’ancien théâtre de Détroit en ruine, avant de descendre sur ce qu’il est devenu: un parking pour voiture, l’image finale disparaissant avant d’avoir exploité complètement le pouvoir de fascination qu’il venait de faire naitre en nous.
Bref. Ne chipotons pas.
Ne le ratez pas pour tout un vampire.
…
(allez, pour le plaisir des yeux: http://iwillnomyourfac3.tumblr.com/post/73009001256/soariing-some-of-adams-guitars-in-only)