Un polar sombre, avec une ambiance blafarde et surtout un inspecteur torturé par son enquête, jusqu’au boutiste, pas satisfait que son supérieur hiérarchique lui impose de boucler ou de bâcler son enquête, en désignant le coupable idéal. En l’occurrence le « fou ». Une véritable histoire de fou. Zhu Yilong/ Ma Zhe est très charismatique et ça m’a incitée à voir le film, que j’ai trouvé un peu décevant. Un inspecteur soucieux du détail, de preuves, bousculé par ses supérieurs au point de donner sa démission, laquelle sera refusée. Finalement il continue plus ou moins à s’occuper de l’affaire en nommant son collègue pour continuer à sa place. En fait, il préfère s’attacher à sa vie familiale, son épouse enceinte d’un enfant susceptible à 10 % d’avoir une atteinte du développement psychique ou psychomoteur. Il refuse d’assumer la venue de cet enfant tant désiré et cela génère une dispute de couple. Surtout de la part de sa femme, laquelle ne veut pas interrompre sa grossesse, déjà « mère » en puissance. Un an après l’on découvre la petite famille agrandie avec un bel enfant, sans problème apparemment. Un final de polar, déroutant. On comprend que Ma Zhe après avoir été récompensé et médaillé pour son enquête, n’a plus qu’une priorité, sa famille et son couple. Pas si mal, à voir!
Petit rajout après lecture de l'entretien avec le réalisateur : Ce dernier souhaitait réaliser un film noir qui se passe dans les années 90. Il s'agit d'une adaptation de la nouvelle de Yu Hua, qui comporte un récit de plusieurs meurtres, écrit dans le style littéraire des années 1980-1990, porteur de thèmes très présents : le poids excessif de l'esprit collectif qui pèse sur l'individu et la solitude de l'individu face au monde absurde. Oeuvre inattendue, plus obscure que les récits policiers classiques, ce qui a contribué à l'époque, à faire considérer la nouvelle comme une oeuvre d'avant-garde. Le projet est venu au réalisateur, juste après son premier voyage à Cannes. Ayant lu la nouvelle, elle lui a rappelé Tristant et Isolde, l'opéra de Wagner où l'on entend constamment l'Accord de Tristan qui ne se résout jamais, comme un cauchemar absurde et silencieux dont on ne se réveille jamais. Ce film est né de cette sensation. L'incertitude traverse tout le récit. Wei Shujun a beaucoup feuilleté de livres de photos des années 90. Il souhaitait mettre en avant des individus, qui composent la masse mais s'en détachent. C'est plutôt réussi. Côté "technique", il nous dit avoir voulu tourner en pellicule (ce qu'il avait déjà tenté), sachant que ça coûterait plus cher et que cela poserait problème (absence de laboratoires pouvant traiter le 16 mm, en Chine), mais il a insisté, auprès du producteur, pour obtenir un rendu cohérent avec l'époque dans laquelle se situe le film.
Il est interessant de savoir que Wei Shujun a commencé sa carrière à 14 ans, il est né le 5 Février 1991. Cela donne envie de découvrir ses oeuvres : "Courir au gré du vent" (Sélection officielle Cannes 2020) et une comédie d'humour noir "Ripples of Life", Quinzaine des Réalisateurs 2021.
Plusieurs jours après avoir vu ce film, l'on reste imprégné de l'ambiance particulière régnant dans ce dernier et l'on a bien en tête l'acteur Zhu Yilong charismatique, ses doutes, son vague à l'âme. Du coup, j'augmente ma note qui passe à 7.