En 1907, le Docteur Paul Eswai est invité à pratiquer l’autopsie d’une jeune femme morte dans des conditions troublantes dans un petit village d’Italie. Sa présence n’est guère souhaitée, les villageois se cachent de lui. Le corps de la jeune femme est même subtilisé. L’inspecteur Kruger lui demande de l’aide, il sait qu’il se trame quelque chose. Mais le village se protège de ce qui semble être un secret, une malédiction qui entoure la famille Graps, dont il ne reste plus que la Baronne.
A l’époque du film, Mario Bava a la cinquantaine conquérante, ses sensibilités artistiques se sont affirmées, et il peut tourner aussi bien un western qu’un film de science-fiction, un thriller ou un film fantastique. Il renoue avec ce dernier genre pour Opération Peur, avec une maestria incroyable, pour un résultat digne de ses meilleurs films, malgré des conditions de tournage difficiles.
Accompagné d’Antonio Rivaldi à la photographie, un fidèle, Mario Bava arrive à créer une atmosphère brumeuse et inquiétante, où les murs de pierre cachent bien des secrets. Par des jeux de lumière, il offre aux lieux traversés des éclairages crépusculaires, étranges et inquiétants. Les plans de caméra ne sont jamais longtemps fixes, ils glissent à travers les décors, pour mieux nous en révéler les recoins les plus sombres.
Le film n’est jamais aussi bon que quand sa réalité semble se dissoudre, quand les personnages sont confrontés à l’horreur surnaturelle des évènements. Certains plans sont audacieux, ils ont un charme inquiétant qui se conjugue avec un sens affirmé de la technique. En témoigne le double balancement au cimetière, entre la caméra puis le personnage. Ou cette course-poursuite dans le manoir qui joue sur la répétition jusqu’à ce qu’un élément s’y ajoute, d’une scène d’action elle se transforme en une nouvelle expérience pour le spectateur, bouche bée.
Ce dernier est d’ailleurs captivé par une histoire qui n’est pas si simple qu’on pourrait le croire. Le mystère est bien entretenu, et différents ajouts et surprises viendront s’y greffer. Personne ne semble épargné, tout semble possible. Les secrets qui se cachent dans ce village sont autant de blessures.
Au casting de cette belle réussite, Mario Bava s’entoure de personnes qui n’avaient pas ou peu travaillé avec lui. Dans le rôle du déterminé Paul Eswai, Giacomo Rossi Stuart est le point de stabilité, celui confronté aux secrets du village, ballotté par les évènements, qui agit comme il peut. Piero Lulli incarne l’inspecteur au bord de la crise de nerfs, épuisé par les mensonges des villageois. Et la menace glaçante, terrifiante, est jouée par un novice, rencontré inopinément par l’équipe technique du film, puisqu’il s’agissait du fils de la concierge où celle-ci logeait. Son regard est froid comme la mort.
Le tournage fut partiellement improvisé, le coût mal calculé et il fut tourné en quelques jours. Et pourtant, Operation peur est une prouesse de cinéma, un film d’une esthétique travaillée, qui a gardé son ambiance inquiétante malgré les années. Certains des films du maître tels que Lisa et le diable ont perdu de leur force, celui-ci rappelle pourquoi l'homme a été tellement apprécié par certains cinéastes tels que Tim Burton, qui lui doit beaucoup.