Le cinéma gothique italien s’inspire bien évidemment de celui de la Hammer. Si les thèmes et les ambiances sont cousines, le contenu italien se révèle bien plus expressionniste avec sa vision toute personnelle de ses décors et autres jeux de lumière. Pour son retour au cinéma gothique qui était alors en déclin, Mario Bava se révèle, une nouvelle fois encore, capable de créer quelque chose de nouveau. Après l’épouvante à l’italienne, le giallo ou encore le slasher, il reprend des éléments typiques de l’épouvante à l’anglaise pour y ajouter un nouveau type de personnage qui fera son trou dans le cinéma, à savoir l’enfant maléfique. L’introduction de ce personnage effrayant, apparaissant ici derrière des fenêtres ou dans un couloir jouant avec son ballon blanc, annonce en effet bien des thématiques à venir.
Autour de lui, un univers pictural très précis crée une atmosphère unique. Mélange de studio et de lieux très typés, les décors font sensation. Avec son manoir ancien, ses rues escarpées, son église, sa crypte, ses couleurs roses, bleues et vertes, le résultat est un véritable festin où les formes et les couleurs débordent de partout. Réalisé avec trois fois rien, alors que la maison de production coule après deux semaines de tournage, le film repose, une nouvelle fois, sur le savoir-faire de son réalisateur et sa capacité à multiplier les trouvailles visuelles. Dommage que cela soit parfois au détriment d’un récit qui peine à trouver son rythme et dont les péripéties manquent réellement d’épaisseur. On apprécie, cependant, les idées surréalistes, comme celle du personnage principal lancé à sa propre poursuite dans une suite de pièces identiques, ou alors la façon dont il exploite avec sa caméra un escalier en colimaçon.
Véritable film onirique où le rêve et le cauchemar ne cessent de se chasser, le résultat fascine aussi bien qu’il peut exaspérer parfois. La faible direction d’acteurs, des dialogues convenus et un incessant côté théâtral montrent que Mario Bava ne s’intéresse pas à tout dans son œuvre. C’est dommage car au lieu de proposer un film totalement abouti, innovant aussi bien sur le fond que la forme, le réalisateur italien se contente d’être un technicien hors pair, visuellement inventif, mais raconteur plus emprunté.