Le cinéma verra dans les prochains jours ses amateurs se scinder en deux. Indépendamment de la qualité des deux films, les filles iront voir Barbie et les gars, Oppenheimer et c'est un détail qui n'est clairement pas anodin.
Ce n'est pas qu'Oppenheimer est plus masculin que Barbie, c'est que le cinéma Nolanien est masculin par essence : bourrin, mécanique, systématique, brute, tonitruant, peu porté sur la psychologie et, osons-le, parfois vantard. De là en découle des paradoxes inhérents au cinéma de Nolan, à la fois épuré et brouillon, mystérieux et rationnel, mécanique et chaotique, explicatif mais toujours destiné à ce que le spectateur en fasse l'exégèse.
Oppenheimer est tout cela à la fois et qui connait le cinéma de Nolan connait à l'avance cet Oppenheimer.
Il est d'ailleurs faux de dire que Nolan dresse un portrait psychologique du scientifique, où de dire qu'on rentre vraiment dans sa tête. Nolan ne laisse jamais respirer son film, il n'y a aucun tant mort pendant 3h et les personnages sont, comme d'habitude, totalement dilués dans cette mécanique gargantuesque.
Nolan ne s'intéresse jamais qu'à des concepts et comme concept central dans sa filmographie, il y a la paradoxe (paradoxe temporel dans Inception, Interstellar, paradoxe moral dans Batman). C'est donc l'aspect paradoxal de la personnalité d'Oppenheimer qui l'intéresse et qu'il extrait du personnage pour en faire un pièce centrale dans sa mécanique narrative.
Ce paradoxe est pourtant soulevé par Nolan en faisait d'Oppenheimer un être dépassé par son destin, qui n'a plus le contrôle des évènements, à l'image de certaines scènes totalement chaotiques ( le discours, la toute fin) très réussies. En cela, il est effectivement le Prométhée moderne au destin tragique, car la réaction en chaîne ne se fait pas seulement au niveau de l'atome mais aussi à l'échelle des décisions humaines qui, dans le cas d'Oppenheimer, prennent une ampleur monumentale.
À quand s'arrête donc sa responsabilité ? Endosse-t-il seulement la responsabilité de la création de la bombe ? Où toutes les conséquences qui s'en suivent (Hiroshima et Nagasaki, la course aux armements atomiques avec l'URSS) ?
Si Nolan illustre ces dilemmes philosophiques et humains de manières impressionnantes, force est de constater qu'ils s'entourent aussi d'une tonne d'informations qui peuvent perdre le spectateur en route. C'est un film épuisant, non pas qu'il soit très difficile à comprendre, mais il ne laisse aucun temps mort au spectateur pour respirer.
C'est donc ici un film grandiose, qui évoque la totalité du cinéma de Nolan.
Un cinéma paradoxal qui a trouvé un personnage à son image.