Inégal mais fascinant, ce biopic offre une démonstration du cinéma de Christopher Nolan au profit d’un sujet bien plus universel que la "simple" mise en place du projet Manhattan.
Le biopic, défini comme le film biographique relatant la vie de personnages réels hors du commun, est un genre qui peut être particulièrement irritant, surtout lorsqu’il est traité par le cinéma hollywoodien. Le sujet est souvent artificiellement gonflé et dramatisé pour plus de sensations, les comédiens en font des tonnes pour paraître concernés par la « réalité » de leur sujet historique et le public raffole de ces « biographie pour les nuls » qui souvent ne parviennent pas à traiter de la complexité de leur sujet avec un format de deux heures. Ce qui est fort dans Oppenheimer, c’est que ce biopic contient à peu près tous ces tics mais que ces derniers sont transcendés par le talent et la palette du réalisateur Christopher Nolan. Ce dernier est connu pour son amour des récits complexes, sa fascination pour la représentation du temps et donc sa faculté à structurer ses films dans différentes couches de montage.
Oppenheimer est donc un formidable compte à rebours, avec en climax l’explosion de Trinity, le premier essai d’une bombe atomique dans le désert du Nouveau-Mexique. Jusque-là, il raconte brillamment comment Robert Oppenheimer, ainsi que de nombreux autres protagonistes, ont été amené à concevoir le projet Manhattan. En jouant avec des montages alternatifs, en s’appuyant sur une distribution aussi prestigieuse qu’excellente, Christopher Nolan fusionne plusieurs genres cinématographiques (drame, film de casse, espionnage, thriller, western) dans un rythme dantesque pour rendre compte de cet événement significatif dans l’histoire de l’humanité. Son dispositif est particulièrement efficace pour contextualiser l’aventure humaine et scientifique dans ses implications politiques, de manière limpide et cohérente. Lorsque Robert Oppenheimer se fait littéralement bombarder par les acclamations à la suite du succès du bombardement d’Hiroshima, tout est dit. Dommage alors de s’attarder sur un troisième acte long, démonstratif et répétitif, construit comme un film de procès qui suggère que les aléas politiques sont plus dangereux et incontrôlables qu’une réaction en chaine nucléaire. Heureusement, le film se termine sur un épilogue à la fois sobre et sidérant, élargissant la portée du propos d’Oppenheimer bien au-delà de son récit.