J'ai détesté. Tout en lui reconnaissant nombre de qualités et une belle audace, mais le respect et l'amour sont deux concepts distincts. Je n'aime pas particulièrement l’œuvre de Nolan aussi, mais je reste curieux. J'ai donc vu ce film en IMAX, vostfr, et voici ce que j’en retire :
D'après moi, c'est un film mécanique, une dissection froide d'une histoire qui n'a plus rien d'organique, embarqué dans un rythme métronomique qui ne laisse respirer ni ses acteurs, ni ses plans, ni ses spectateurs. Mes sens ont été saturés pendants plus de trois heures (parfois douloureusement, le son est réellement explosif, soyez prévenus), la musique, variablement de très belle facture ou générique, accompagne quasi sans interruption les images, tout ça écrasé un peu plus par le flot d'informations, de noms et de personnages secondaires jaillissants à chaque instants. C'est une nouvelle expérimentation, il y a un parti pris tranché, et je respecte sincèrement ce genre de démarche, mais à mon sens c'est un film qui hurle pour ne pas dire grand chose. Car j'y vois une histoire bien plus impactante par ses conséquences historiques, que réellement intéressante racontée de la sorte. Et la structure de film de casse hyper rythmé que vient donner Nolan à ce moment charnière de l'Histoire, ne la rend pas plus forte à mon sens, bien au contraire, cela la prive de sa dimension purement et tristement humaine.
C'est bien le rythme, le principal défaut que je trouve à ce film, celui qui le fait passer de peu captivant à insupportable. Chaque respiration, silence avant une réplique, est systématiquement coupé. Ce montage est un choix évidemment conscient, mais je ne le comprend pas, et lorsque l'on n'y adhère pas, on n'y adhère pas pendant 3 heures.
Enfin je n'ai pas du tout été réceptif au sérieux, au solennel, à l'emphase démesurée lors de certaines scènes qui ne traitent que des petites manigances de grands égos. J'ai probablement trop ressenti celui de Nolan. Pour ce qu'il m'a laissé de positif, j'ai tout de même été touché par une poignée de scènes plus introspectives, plus oniriques, voire cauchemardesques, et regrette en un sens qu'elles eussent été si rares. Hélas elles ne m'ont pas semblé se mêler avec justesse au reste de la proposition, je les ai perçues comme un gimmick artificiel. Cela m'a rappelé, juste sur ce point, le cinéma de Ari Aster, mais ce dernier réussi admirablement l'exercice, cette façon de faire intervenir les craintes et angoisses de ses protagonistes directement incarnées à l'image, dessinant une frontière trouble entre réel et phantasme. Et je pense que le problème de Nolan se situe là, dans cette notion d’incarnation. Je ne trouve rien de charnel dans son cinéma, rien de sensiblement humain, rien de palpable. Je vois le cinéma de Nolan comme un jeu de posture, engoncé, contraint, par le soucis du paraitre. Un cinéma rigide et froid.
Oppenheimer (le film) est un événement, une date. C'est tellement rare de rassembler autant de personnalités diverses, de spectateurs aux gouts variés, voire en opposition, autour d'un projet si atypique, âpre. Je me questionne tout de même sur le recul que certains pourraient, ou non, avoir sur des émotions que quelques uns ressentent à la simple évocation de Nolan, et dont ils auront peut être teinté jusqu’à son monochrome. Je me trompe peut être. Pour le reste, une partie de moi est heureuse que le film fédère, qu'il touche, car Nolan est un des rares auteurs à disposer de moyens, avec une vision tranchée et sans concession, qui propose du cinéma, pas simplement des spectacles son et lumière qui se contentent au mieux de satisfaire. J'aime beaucoup de choses dans le cinéma, je ne suis fermé à rien, mais l’hégémonie du blockbuster sans ambitions me dérange. Donc si je n'aime pas Oppenheimer, je suis heureux qu'il existe.