Christopher Nolan, reconnu pour son talent de technicien et sa maîtrise du récit non linéaire, revient une nouvelle fois avec Oppenheimer, une œuvre ambitieuse sur la création de la bombe atomique. Mais si le réalisateur parvient à une nouvelle démonstration de son savoir-faire technique, le film échoue à nous captiver véritablement. Et après trois heures de projection, la sensation de "déjà vu" est inévitable.
Un récit trop mécanique et une narration confuse
Ce qui frappe immédiatement dans Oppenheimer, c’est la manière dont Nolan aborde son sujet : la structure du film est un véritable casse-tête à suivre. Enchaînant plusieurs couches temporelles (le présent, le passé et les différents moments de l'enquête), il rend l'intrigue difficile à appréhender. Plutôt que de nous immerger dans le processus de création de la bombe, Nolan nous sert un montage haché, où l'on se perd dans les va-et-vient temporels. Le problème, c’est que tout est expliqué, mais rien n’est vraiment montré. Il ne s’agit pas de comprendre les enjeux, mais de subir une avalanche d’informations qu’il nous livre à une vitesse effrénée, sans jamais vraiment nous laisser le temps de digérer.
À ce titre, on retrouve les défauts déjà présents dans Dunkerque, où la mécanique du récit (plus centrée sur l’expérience du spectateur que sur l’intrigue elle-même) m’avait déjà laissée de marbre. Ici, Nolan pousse encore plus loin cette approche de “puzzle temporel”, ce qui peut rapidement devenir pénible. Si l’objectif est de nous faire ressentir la tension de la période, de l'urgence et des dilemmes qui assiègent Oppenheimer, l’effet est noyé sous une narration bancale et une musique incessante qui ne fait qu’amplifier ce sentiment de saturation.
Les personnages secondaires : des figurants sans âme
Le film a beau s'articuler autour d’un personnage central — Robert Oppenheimer, interprété par Cillian Murphy, impeccable comme toujours —, les personnages secondaires semblent à peine exister. Ils apparaissent dans des scènes fugaces, sans réelle substance, comme autant de figurants qui défilent sans jamais avoir de place à l'écran. Ces personnages, censés contribuer à la complexité de l’histoire, deviennent des ombres sans intérêt. Résultat : on reste indifférent à leurs arcs, et certains twists qui concernent ces figures secondaires arrivent de manière tellement abrupte qu’on se retrouve à se demander "mais c’est qui, lui, au juste ?". Cette surcharge de personnages et d’intrigues secondaires est un vrai poids pour le film, qui ne prend jamais vraiment le temps de les développer.
Un film qui ne parle ni de la bombe, ni des conséquences
Quant à l’objet même du film — la création de la bombe atomique — on a l’impression que Nolan, à force de vouloir nous montrer son "coup de maître" technique, oublie un peu de nous parler du cœur du sujet. Le film semble hésiter : est-ce une exploration des dilemmes moraux de Oppenheimer et de ses collègues ? Une chronique des événements historiques qui ont mené à la création de l'arme fatale ? Ou bien une réflexion sur les conséquences de cette invention ? En réalité, il ne fait pas vraiment de choix. La bombe atomique est présente, mais elle reste un prétexte plus qu’un véritable sujet de film. Les répercussions du projet Manhattan sont abordées sur la fin, mais de manière un peu rapide, comme s’il fallait bien boucler le film avant la fin de la troisième heure.
Je suis sorti de Oppenheimer avec une sensation étrange, comme si j'avais assisté à quelque chose de techniquement impressionnant mais émotionnellement vide. Le mot qui résonnait dans ma tête à la sortie était "oubliable". On a la sensation que tout le film est un long enchaînement d’événements qui, finalement, ne laissent pas grand-chose derrière eux. Ce n'est pas une question de longueur — le film est bien plus court que d'autres blockbusters — mais d'une fatigue mentale et émotionnelle qui s'installe petit à petit. La véritable question à la fin de la projection n'était pas "que vais-je retenir ?" mais plutôt "qu’ai-je vraiment appris de plus sur cet événement ?".
Un documentaire aurait peut-être été plus efficace
En conclusion, même si Oppenheimer est une œuvre qui ravira probablement les amateurs de films techniques ou ceux qui sont friands de récits non linéaires, il manque l'essence même de ce qui aurait dû être raconté. C’est un film qui, paradoxalement, en donne trop, mais sur des éléments qui n’ont pas vraiment de poids. À force d’accumuler les twists, les personnages secondaires et les couches temporelles, Nolan oublie de nous offrir une réflexion claire et percutante. Et pour tout dire, la prochaine fois, je me tournerai peut-être directement vers un documentaire sur la bombe atomique. Il aurait probablement su, en quelques heures bien moins complexes, capturer l’essence de ce moment historique avec beaucoup plus de simplicité et d’impact.