Peu de films ont autant porté à polémique que "Orange Mécanique", véritable choc au moment de sa sortie, considéré comme un chef d’œuvre pour les uns, et une justification de la violence et de la haine pour les autres : ce Kubrick provocateur, mais pourtant pas si éloigné thématiquement et formellement du reste de son œuvre, a marqué son époque. 15 ans après, une lecture dépassionnée permet de rendre au film ses qualités (la rigueur de la construction, la force des symboles - voir la fameuse scène de "Singing in the Rain", et nombre d'intuitions géniales) et ses limites (sans doute trop ancré dans son époque malgré son thème inépuisable - la violence et son traitement répressif par une société policière et médicalisée). Le déchaînement baroque de la première partie paraît d'ailleurs aujourd'hui assez daté - c'est en tout cas celle qui contient tous les tics à recycler, ce dont ne se sont pas privé musiciens et cinéastes depuis 1971. On préfèrera donc nettement la seconde partie, plus austère, qui décrit l'échec de toute morale, et surtout la conclusion furieuse et intense, où la vision de Kubrick s'exprime dans toute sa grandeur. Au final, "Orange Mécanique" n'est pas le meilleur Kubrick, certainement, mais reste un film incontournable. [Critique écrite en 1984]