Un fond rouge, puis le thème d'Henry Purcell en fond sonore et enfin le visage d'Alex, chapeau melon, maquillage et tenue intégralement blanche dans un lieu aussi bizarre que lui où il se trouve avec ses trois droogies buvant du lait. Puis vient sa voix off... Et voilà comment Stanley Kubrick, avec un long travelling, nous plonge déjà au cœur de l'Orange mécanique.


Après 2001 : Odyssée de l'espace, Stanley Kubrick s'attaque à l'adaptation du livre d'Anthony Burgess où il nous emmène dans un futur assez proche où règnent violence et sexe pour y suivre un groupe de jeunes emmenés par un leader exerçant terreur et sadisme.


Clairement divisé en trois actes, Orange Mécanique revient d'abord sur les agissements insouciants, ultra-violents et criminels des droogies, avant de mettre Alex face à ses responsabilités (et face à l'État) via de nombreuses péripéties qui vont le faire passer par tout un panel de sensations. Il instaure assez vite une atmosphère fascinante et envoûtante, qui se maintiendra tout le long et il alternera entre climat malsain, dérangeant, ironique et subversif.


Dès le début, et utilisant une voix-off, Kubrick rend le personnage d'Alex totalement fascinant, que ce soit par ses excès, son charisme, ses manières, son look ou sa façon de parler et il accentue cette fascination plus le personnage évolue, d'abord comme symbole du mal à l'état pur, ne frappant pas pour l'argent, mais par pulsion et plaisir puis comme expérience du gouvernement.


Bénéficiant d'une excellente écriture (scénario, personnages & dialogues), Kubrick y dénonce les dérives de la société ainsi que la violence institutionnalisée frappant à tous les étages, que ce soit Alex et ses virées d'ultra-violence, l'état sur Alex cherchant à modifier son comportement en le rendant entièrement vulnérable et incapable de toucher une femme ou de se défendre ou la violence qu'il subit lors de sa sortie de prison que ce soit par ses anciens camarades ou son ancienne victime.


À travers la tentative de modification du comportement et des pensées d'Alex, Kubrick s'attaque aussi aux politiques et la façon de gouverner, notamment les dérives et actions populistes sans grande conviction. Il trouve toujours le bon équilibre, alternant bien entre mise en avant de nombreuses thématiques, évolutions des personnages et la mise en place de l'ambiance, sachant provoquer l'effet voulu dans chacun des cas.


Rythmé au son d'une magnifique et dérangeante musique classique, Orange Mécanique est orchestré d'une main de maître par un Kubrick dirigeant son œuvre tel un chef d'orchestre un opéra, maîtrisant tout de bout en bout, que ce soit au niveau de ses mouvements et effets de caméras, des plans toujours bien fournis ou des différentes directions prises par le scénario. La musique est judicieusement choisie et utilisée, sublimant l'atmosphère du film.


Il nous transporte tout droit dans ce monde imaginé par Burgess avec son langage mélangeant anglais et divers dialectes ainsi qu'un esthétisme très 70's, mais ô combien envoûtant et colorisé, qu'il sublime à merveille que ce soit grâce à sa caméra ou les somptueux décors. Sa direction d'acteur constitue aussi l'une des réussites du film, Malcolm McDowell est inoubliable, malsain et charismatique à souhait dans ce rôle de voyou abandonné et manipulé par la société où ils ne se comprennent pas vraiment. Les autres interprétations sont impeccables, notamment Patrick Magee dans le rôle de l'écrivain ou les droogies suivant Alex.


Intelligente, dérangeante, marquante et fascinante critique de la société et de la violence s'y trouvant à tous les étages, Orange Mécanique bénéficie de la main de maître de Kubrick qui orchestre son récit de façon brillante et magistrale pour une œuvre qui n'a rien perdu de sa puissance au fil du temps.

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le 20 nov. 2016

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Docteur_Jivago

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